
©Bernant Benant
L’amour, la foi en la vie, les origines, la jalousie...Vous abordez les mêmes thèmes qu’à vos débuts dans la musique, mais de façon plus sereine. Qu’est-ce qui a changé selon vous depuis ?
Wallen : Plein de choses. Quand j’ai commencé, j’avais la petite vingtaine. Aujourd’hui, j’ai 30 ans, je suis maman et j’ai pris confiance en moi. Pour ce nouvel album, j’ai tout produit et composé toutes les musiques, hormis le titre Leur Arrogance. C’est une grande nouveauté artistique et une émancipation en tant qu’artiste et en tant que femme, car, dans le milieu du hip-hop français, tous les producteurs sont des hommes. Je pense être la première à le faire, et c’est une fierté. Je tente de changer les choses et d’inspirer d’autres femmes.
Vous dites vouloir « lutter contre cette vague schizophrénique qui voudrait faire d’un cheminement artistique un cheminement différent de celui que nous poursuivons tous en tant qu’être ». Cela signifie-t-il que votre carrière de chanteuse et votre cheminement personnel ne font plus qu’un ?
W. : Bien sûr. Lorsque j’ai commis des erreurs dans ma vie, elles se sont immédiatement perçues dans ma manière de gérer ma carrière. On vit dans un monde où l’on essaie de faire croire que, pour être artiste, il faut vendre du rêve, du show. Mais la vie et la carrière artistique sont deux choses qui font corps. On ne peut pas faire semblant : aspirer à un équilibre pour sa famille (bien élever ses enfants, par exemple) et dans sa carrière, et en même temps inciter les gens à la violence ou à la débauche, ce n’est pas possible. Je suis vraiment choquée par ce qu’on appelle la « gestion de l’image ». On a en effet une responsabilité : les gens nous regardent et écoutent nos paroles. Nos actions et nos chansons peuvent les influencer. Or certains artistes se disent : « Si je ne fais pas telle chose, je ne vais pas vendre. » Cet état d’esprit touche beaucoup le marché américain, où il existe une vraie dictature de l’image. En France, il touche aussi une certaine frange du hip-hop. En revanche, je ne veux pas citer de noms : ce serait en complet désaccord avec ma philosophie.
Justement, au sujet de votre philosophie, pourquoi avez-vous intitulé votre album Miséricorde ?
W. : D’abord, c’est le prénom de ma mère. Mais cela renvoie aussi à mon initiation à la musique, que m’a délivrée ma professeure de violon, une personne très importante dans ma vie. Je ne l’ai jamais quittée depuis mes 8 ans, et jusqu’à sa mort, il y a quelques mois. Elle m’a donné une approche de la musique très spirituelle, en faisant l’analogie entre la musique, la manière d’interpréter un morceau et la prière adressée à Dieu. La miséricorde est aussi le degré d’amour le plus haut, puisqu’il s’agit de pardonner quelqu’un qui a fait des erreurs. Malheureusement, cette notion est peu appliquée. Le fait de ne pas juger et de ne pas être médisant est pourtant une des bases de la religion. Pour moi, c’est la base de la foi. Et en tant que musulmane, toutes mes prières commencent en évoquant la miséricorde de Dieu.
Faut-il voir un ultime hommage à votre père, avec le titre Fille de berger et l’interlude Madagh [ndlr : village du père de Wallen, au Maroc] ?
W. : Oui, c’est un retour aux sources, un hommage à mon père. Plus on prend de l’âge, plus on a envie de connaître son histoire. Je fais partie d’une génération construite dans un trou de mémoire car, à cause de la langue, le dialogue ne s’installait pas forcément avec nos parents. À l’école, on apprenait à exprimer ses sentiments profonds en français, d’où un décalage de communication avec les parents. Cela explique pourquoi j’ai appris plein de choses relativement tard sur l’histoire de ma famille. C’est important pour moi de revenir sur les traces du passé. Par exemple, dans Madagh, j’ai joué pour la première fois d’un instrument traditionnel, le bendir [percussion ronde, ndlr], et j’ai chanté de la même manière que ces femmes qui ont pour habitude de se réunir lors des mariages, des baptêmes ou des occasions religieuses. Dans ces petites chansons, la tradition est de citer le nom des parents : je dis que je suis la fille de Hajja Rahna, ma mère, qui a aussi pour signification « miséricorde » ! J’aime les symboles.
Votre professeure de violon vous disait : « La musique doit être grande, mystérieuse et digne comme une prière à Dieu. » En quoi la vôtre fait-elle écho à cette déclaration ?
W. : Dans ma démarche artistique, ce conseil est quelque chose que je prends au sérieux. Peut-être que cela ne se perçoit pas extérieurement, au premier abord. Mais j’y mets vraiment du coeur, je m’investis à la fois dans mes textes et dans ma musique.
En quoi Abd al Malik, votre époux, vous inspire-t-il dans votre carrière ?
W. : Avant tout, c’est la rencontre la plus importante dans ma vie de femme et d’artiste. Abd al Malik est mon premier public, ma première oreille critique. Nous vivons ensemble, donc nous nous conseillons naturellement l’un l’autre. Nous allons dans la même direction, pas dans la forme, mais sur le fond. Il me donne
envie d’aller au bout de ce que j’ai envie.
Bio Express
Née le 23 janvier 1978 à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), de parents marocains, Nawal – son vrai prénom – grandit à Bobigny. À l’âge de 8 ans, sa soeur l’inscrit au conservatoire de la ville pour jouer du violon. Nawal en fera de manière intensive jusqu’à ses 21 ans.
Elle pousse ses études jusqu’en droit, où elle fait une année à Paris-XIII, et étudie en même temps l’arabe. Elle débute sa carrière de chanteuse RnB, à l’âge de 18 ans, grâce au producteur Sulee B Wax.
Elle pousse ses études jusqu’en droit, où elle fait une année à Paris-XIII, et étudie en même temps l’arabe. Elle débute sa carrière de chanteuse RnB, à l’âge de 18 ans, grâce au producteur Sulee B Wax.
Elle sera choriste pour Tonton David mais aussi pour le groupe NAP (New African Poets), groupe de rap strasbourgeois, où Abd al Malik – celui qui deviendra
son mari – officie. Tout au long de sa carrière, Wallen multiplie les participations avec des rappeurs (Rohff, Abd al Malik, Lino...). Elle chante notamment avec Shurik’N (du groupe IAM) le titre Celle qui dit non, gros carton commercial, et avec l’Américain Usher pour U got it bad. Depuis 2007, elle fait également partie du collectif Beni Snassen, lancé par son compagnon.
Elle sera en concert à Paris le 4 février à l’Européen et au Nouveau Casino le 6 mars 2009. D’autres dates, non arrêtées, sont prévues.
Dans la vie, elle est maman de Muhammad, 7 ans, né de son union avec le chanteur Abd al Malik.
Elle sera en concert à Paris le 4 février à l’Européen et au Nouveau Casino le 6 mars 2009. D’autres dates, non arrêtées, sont prévues.
Dans la vie, elle est maman de Muhammad, 7 ans, né de son union avec le chanteur Abd al Malik.
Discographie
- À force de vivre (2001).
- Avoir la vie devant soi (2004).
- Miséricorde (2008).
- En collaboration : Spleen et Idéal (2008), du collectif Beni Snassen.
- Distinction : nomination aux Victoires de la musique pour l’album RnB de l’année en 2002, pour son premier disque À force de vivre.