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Sami Bouajila : « Omar m’a tuer : je me donne corps et âme dans mon personnage »



Après Indigènes puis Hors-la-loi, Sami Bouajila incarne Omar Raddad dans Omar m’a tuer, réalisé par Roschdy Zem. Mais ne lui parlez surtout pas de militantisme,
Sami Bouajila assume de rester dans le simple jeu d’acteur.


© Roger Arpajou
© Roger Arpajou


Pourquoi avez-vous accepté de camper le personnage d’Omar Raddad ?

Sami Bouajila : J’ai accepté d’interpréter Omar Raddad d’abord et avant tout parce que Roschdy m’en avait fait la proposition. La simple idée de continuer à travailler avec Roschdy où cette fois-ci lui me dirigerait m’excitait beaucoup ! Puis est venu le travail que l’on a pu faire ensemble sur le scénario, et cela m’a bien plu.

Comment s’est passée la rencontre avec Omar Raddad ?

S.B. : J’ai rencontré Omar, bien moins que les autres car je tenais à rester vierge du mythe Omar Raddad. Je ne voulais pas m’autocensurer. Je préfère recevoir simplement... Il est à l’image de ce qu’on pouvait imaginer de lui... Beaucoup de retenue, une grande simplicité, il reste intègre.

Ce film est une nouvelle preuve d’amitié entre vous et Roschdy Zem, quel genre de réalisateur est-il ?

S.B. : C’est quelqu’un de très directif, dès le départ, de par son écriture, il a beaucoup épuré et la direction était à l’image de cela, directe. Pas de fioritures. C’est aussi à l’image d’Omar Raddad. Il ne tergiverse pas, il va à l’essentiel

Il semble que vous poursuiviez, avec vos compagnons de route, une filmographie qui dénonce le racisme et certaines pages noires de l’Histoire entre la France et le Maghreb... Estimez-vous faire du cinéma militant ?

S.B. : On ne peut pas dire le contraire, que ce n’est pas du cinéma militant... Mais je veux préciser que, personnellement, je ne m’y investis pas de manière militante. En fait, je ne fais que mon métier. Je voudrais signaler que les choix de ces sujets ne sont pas prémédités. Encore une fois, j’ai choisi Omar simplement car  Roschdy me l’a demandé. Il n’y a pas une émulsion combative... On ne recherche pas consciemment des sujets militants, puis on les met en place... Ce n’est pas du tout ça...

Ces sujets ne seraient que le fruit du hasard ?

S.B. : Quelque part, c’est vrai ! Même si on ne cache pas notre plaisir de travailler ensemble sur des sujets qui nous parlent puis qui nous portent souvent.

Il reste que le film Indigènes a eu un réel impact sur un public qui s’est senti souvent oublié…

S.B. : Oui, mais cela est à relativiser ! Par exemple, pour Hors-la-loi, ces mêmes jeunes-là, à qui s’est adressé le film et même plus qu’Indigènes, ne se sont pas pointés très nombreux ! Il ne faut pas être dupe de cela...

Vous avez grandi dans la banlieue de Grenoble, ville connue pour le « discours de Grenoble » de Sarkozy. Nombre de jeunes se sont sentis insultés... Qu’en avez-vous pensé ?

S.B. : Encore un lieu commun dont il va falloir se défaire [soupir]… Pour moi, il n’y a rien de spécial à dire sur ce discours. On a mis du temps à se défaire du cliché « Les Arabes sont tous des voleurs », les gens veulent l’entendre et les politiques le leur disent... Que répondre à cela ? Ce n’est pas la peine d’en parler ! Les  politiques profitent des médias pour faire passer leurs messages. Ce sont les médias qui sont responsables ! La presse est un vecteur fort, c’est la fenêtre qui oriente les a priori et l’inconscient collectif.

À moins d’un an des présidentielles, que pensez-vous des discours qui semblent stigmatiser une partie de la population (Roms, habitants des quartiers populaires...) ?

S.B. : C’est pathétique, que voulez-vous que je vous dise ! La France est en pleine crise d’identité. Il faut l’assumer et aller de l’avant, mais pas de la manière dont cela a été présenté jusqu’à maintenant.

Vous êtes franco-tunisien, êtes-vous retourné en Tunisie depuis la révolution ?

S.B. : Absolument pas. Je ne suis pas retourné en Tunisie depuis. J’ai vécu cette révolution à la télévision, un peu comme nous tous. Je découvrais cela en m’enthousiasmant et avec une certaine surprise. Le procès de Ben Ali, je m’en moque ! En revanche, je m’interroge sur l’après-révolution... 

Vous avez pu jouer des rôles très différents : un séropositif, un travesti... Est-ce difficile de sortir des sentiers battus au cinéma et de jouer autre chose qu’un Arabe au cinéma ?

S.B. : Malheureusement, cela reste difficile. Tout le monde s’entête à rester dans ces sentiers battus... Mais cela ne m’appartient pas, c’est le problème des autres. Moi, je me sens libre et je fais mon chemin.

Bio Express

Né le 12 mai 1966 à Échirolles, dans l’Isère, Sami Bouajila grandit dans la banlieue de Grenoble. C’est son père qui lui fait découvrir et aimer le cinéma. Au cours de son adolescence, il s’inscrit à des cours de comédie et se découvre rapidement une passion pour la scène. Il entre au conservatoire de Grenoble, puis se perfectionne au Centre dramatique de Saint-Étienne en interprétant les pièces classiques de Marivaux, de Shakespeare ou de Koltès. Il fait son entrée au cinéma en 1991 dans La Thune, de Philippe Galand, mais c’est en 1995, dans Bye Bye, de Karim Dridi, qu’il se fait véritablement remarquer. En 1998, Sami Bouajila cède aux sirènes de Hollywood en incarnant un terroriste palestinien dans Couvre-feu, aux côtés de Bruce Willis et de Denzel Washington. Mais cela ne l’empêche pas de tourner avec des jeunes cinéastes avec lesquels il peut jouer des rôles originaux : un séropositif dans Drôle de Félix, d’Olivier Ducastel, et un travesti dans Change-moi ma vie, de Liria Begeja. En 2002, il accède à une certaine notoriété grâce au film de Michel Blanc, Embrassez qui vous voudrez, dans lequel il joue l’amant de Lou Doillon. Quatre ans plus tard, sa prestation dans Indigènes, de Rachid Bouchareb, lui vaut de recevoir le prix d’interprétation masculine au Festival de Cannes 2006. En 2008, il remporte le César du meilleur second rôle masculin pour Les Témoins, d’André Téchiné. En 2010, il tourne de nouveau avec Rachid Bouchareb dans Hors-la-loi. En 2011, il interprète le rôle-titre d’Omar m’a tuer, second film de Roschdy Zem, sorti en salles le 22 juin. 


Propos recueillis par Mérième Alaoui le Vendredi 1 Juillet 2011

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La double onde de choc

Mohammed Colin - 23/10/2023
Au moment où nous mettons sous presse ce numéro dont le dossier, décidé il y a plusieurs semaines, porte sur le dialogue interreligieux à l’occasion des 50 ans du Service national pour les relations avec les musulmans (SNRM) de l’Eglise catholique, nous avons été heurtés au plus profond de nous-mêmes par la barbarie qui s’est abattue sur des civils israéliens et celle qui est ensuite tombée sur les civils palestiniens. Et il y a cette angoisse que le pire n’est toujours pas encore arrivé. Quand le sang d’enfants coule, à défaut de pouvoir sauver ces vies, nous nous devons de condamner ces actes abjects par tout ce qu’il y a en nous d’humanité. Ce nouvel épisode tragique nous rappelle tristement que le conflit dure depuis plus de 75 ans. La solution est résolument politique et le statu-quo mortifère auquel la communauté internationale s’est accommodée est intenable. Toutes les énergies doivent s’orienter vers la mise en oeuvre d’une paix juste et durable dans la région. Ébranlé par l’onde de choc de la tragédie du Moyen-Orient, comme si cela n’était pas suffisant, voilà qu’une nouvelle fois encore, le terrorisme sévit au sein de notre école, enceinte républicaine symbolisant l’avenir de notre nation. Hier Samuel Paty, aujourd’hui Dominique Bernard. Il est toujours insupportable de voir, au nom de la deuxième religion de France, qu’on assassine nos concitoyens, tue nos enseignants. Pire encore, de voir l’effet toxique à long terme sur notre tissu social si nous ne faisons pas preuve de résilience. En effet, il faut accepter qu’en démocratie, le risque zéro à propos d’attentats ne puisse exister sans remettre en cause l’État de droit. De même, il est illusoire de vouloir supprimer les divisions internes de notre société, de taire ses conflictualités aussi exacerbées soient-elles, car c’est le principe même de la démocratie. Pour être résiliant, nous devons apprendre à les assumer.