Connectez-vous S'inscrire
Salamnews

Nora Berra: « Ce qui compte, c’est d’oeuvrer pour une France qui rayonne »



Secrétaire d’État chargée des Aînés, Nora Berra connaît bien le sujet. Fille d’un tirailleur algérien, elle nous livre le sens de son engagement républicain. Médecin,
élue municipale puis conseillère régionale, Nora Berra s’impose comme une valeur sûre de la droite française. Rencontre avec une femme de conviction.


© Frédéric Stevens /SIPA
© Frédéric Stevens /SIPA

Vous êtes secrétaire d’État chargée des Aînés depuis juin 2009. Pourquoi ne parle-t-on plus de personnes âgées ?

Nora Berra : L’expression « personnes âgées » renvoie à la dépendance, à la perte d’autonomie, à la charge que cela suscite pour la société et même à la mort. La société a beaucoup dénié les atouts des anciens.
Il a fallu marquer une rupture pour montrer ce que les anciens peuvent nous apporter en termes de  transmission du savoir, de valeurs, d’expériences de vie. C’est vrai que certains aînés sont en difficulté, mais d’autres sont encore très actifs dans les  associations, auprès des jeunes.

Votre père est un ancien tirailleur. La question des chibanis prend-elle un sens particulier ?

N. B. : Dans ma famille, les aînés, on les garde avec nous (ma grand-mère a toujours vécu avec nous). Nous sommes toujours allés vers eux pour leur demander conseils, nous imprégner de leur vie. Quand on connaît l’histoire de ses aïeux, on se positionne mieux dans la société. Mon grand-père a fait la Première Guerre mondiale ; mon père, la Seconde. Cela explique aussi mon engagement politique pour défendre les valeurs d’humanisme. Cela est très présent en moi.

Vous avez grandi dans une famille gaulliste. Que cela signifie-t-il pour vous ?

N. B. : Mes parents étaient admiratifs du général de Gaulle, car il a donné l’indépendance à l’Algérie. Quand il parlait à la télévision, je leur traduisais ses allocutions. Aujourd’hui, je me retrouve dans ce grand homme. Ce qui compte, c’est d’oeuvrer pour une France qui rayonne. 

Vous êtes médecin de formation, pourquoi ce changement de cap ?

N. B. : En tant que médecin, je suis au service des patients. En politique, je suis au service de l’intérêt général. Dans les deux cas, on est à la disposition des autres : il y a une continuité.

Certains parlent de vous comme la nouvelle Rachida Dati. Flattée ou agacée ?

N. B. : Je ne suis ni agacée ni flattée. Mais je ne comprends pas le terme « remplacer », que les journalistes utilisent en parlant de nous. Pourquoi une femme issue de l’immigration devrait-elle en remplacer une autre ? Nous pourrions être là toutes les deux !

Comme elle, vous êtes aussi de droite…

N. B. : Il se trouve qu’un maire de droite m’a accueillie sur sa liste, car mon profil l’intéressait. J’ai saisi l’occasion d’exprimer mes convictions. Une fois élue  municipale, mon engagement à droite s’est conforté.

Les Français d’origine maghrébine ont des scrupules à s’engager à droite. Certains parlent même de trahison…

N. B. : Oui, c’est vrai. J’ai moi-même été qualifiée de traître par des personnes autour de moi. On m’a dit que ma place était au Parti socialiste ! Mais si elles y sont bien, qu’elles y restent ! J’ai le sentiment que la droite est dans l’action concrète. Prenez l’égalité des chances, sur laquelle elle a été la première à se mobiliser.

Le débat sur l’identité nationale ne vous a-t-il pas choquée ?

N. B. : Le débat sur l’identité nationale était l’occasion de réaffirmer les valeurs qui nous unissent. Il faut continuer à travailler ensemble, essayer d’avancer pour plus d’équité, notamment pour les jeunes au cours de leur formation ou dans leur parcours professionnel.

Il n’empêche que les langues se sont déliées au sujet de l’islam ?

N. B. : Oui, le débat a délié certaines langues. Les propos anti-laïcs ne sont pas acceptables. Les gens qui les ont tenus se sont dévoilés. Mais surtout, ce débat a été une occasion pour dire que l’identité nationale n’appartient à personne, que nous devons nous identifier par rapport à notre nation, la France, forte de ses spécificités culturelles.

Justement, vous avez fait vos études de médecine à Oran. Pas de problème d’identité, donc ?

N. B. : Je suis partie à Oran d’abord pour y rester. Je suis née à Lyon. Mes parents algériens m’ont éduquée comme une Algérienne. La culture française, je l’ai acquise à l’école. Cinq années en Algérie m’ont beaucoup apporté. Mais je m’y suis sentie étrangère, même si je connais les codes et la langue arabe. Mon histoire, mes références, ma petite enfance étaient à Lyon. Et j’avais besoin de retourner aux sources avec un apaisement total, sans renier mon patrimoine culturel algérien. J’ai pu faire cohabiter les deux cultures.

Et l’islam dans tout cela ?

N. B. : L’islam n’est pas un problème. On a la chance d’être dans un pays laïc. Évitons de bafouer cette valeur. La laïcité nous garantit une cohabitation harmonieuse entre différentes croyances dans la République.

Vous êtes optimiste. Mais certains Français musulmans se sentent pointés du doigt… Cette stigmatisation semble très diffuse dans la société française…

N. B. : Je ne suis pas d’accord. Les propos racistes heurtent aussi les non-musulmans, soucieux de préserver les valeurs républicaines. En revanche,  surmédiatiser l’épisode des minarets [à la suite de la votation suisse en décembre 2009, ndlr], associer l’identité nationale à la question religieuse et à la burqa nous éloignent de l’objectif de cohésion sociale.

En novembre 2009, vous étiez à Alger pour une visite officielle. Les relations avec l’Algérie sontelles importantes pour vous ?

N. B. : Absolument. La France et l’Algérie ont une relation passionnelle, on le sait. La volonté de travailler autour des aînés est très forte. J’espère servir de pont entre les deux rives pour partager les bonnes pratiques, comme le développement en Algérie de la filière gérontologique. Un congrès mondial francophone de  gérontologie est d’ailleurs prévu, où des médecins algériens sont associés ; il aura lieu les 18 et 19 octobre prochains à Nice.

Vous avez deux enfants : quelles valeurs tenez-vous à leur transmettre ?

N. B. : J’essaie de leur transmettre des valeurs d’humanisme. Nous avons un socle républicain : liberté, égalité, fraternité. Ce n’est pas un slogan. C’est aussi un comportement. Je leur explique la laïcité et puis l’histoire de la famille. Il faut qu’ils perçoivent l’évolution de notre identité pour qu’ils se sentent citoyens français, sans dénier leur patrimoine culturel.

Bio Express

Nora Berra a grandi avec les aînés. Son père, un tirailleur algérien, arrive en France en 1937. Cinquième enfant du couple Berra, elle naît le 21 janvier 1963, à Lyon. Entourée de dix frères et soeurs, elle prend très tôt conscience de la place des anciens dans la transmission des valeurs. Bachelière au lycée Ampère de Lyon, Nora Berra s’envole pour l’Algérie en 1984.
Titulaire d’un doctorat de médecine de l’université d’Oran, elle rentre à Lyon au début de la décennie 1990. Médecin généraliste, elle intègre le service immunologie au chevet des personnes séropositives. À partir de 1999, elle rejoint l’industrie pharmaceutique. Elle  a 36 ans et sa carrière prend alors une dimension internationale. 
L’année 2001 marque un tournant avec son entrée en politique. Elle devient conseillère municipale UMP de Neuville-sur-Saône jusqu’en 2008. Et les succès s’enchaînent puisqu’elle est élue conseillère municipale à Lyon en 2008, puis députée européenne en 2009, mandat qu’elle cède à la suite de sa nomination dans le gouvernement Fillon II, le 23 juin 2009, au Secrétariat d’État en charge des Aînés. En 2010, elle est élue conseillère régionale de la Région Rhône-Alpes.


Propos recueillis par Nadia Moulaï le Mercredi 1 Septembre 2010

Edito | Tête d'affiche | Une Ville, une mosquée | Beauté | Business | Sport | De vous à nous





Edito

Les défis que nous pose TikTok

Mohammed Colin - 17/03/2023
TikTok, soupçonné d’espionnage, est à présent banni des supports professionnels de la Commission européenne et du Parlement européen.  La France envisage elle aussi ce type de mesures pour ses fonctionnaires.  Le sujet interroge notre souveraineté mais aussi notre place dans le monde, dans la mesure où l’Europe n’a pas su mettre sur orbite des applications aussi puissantes que celles issues de la Silicon Valley ou de Shenzhen. Nous ne sommes plus dans le game ! Nos cerveaux – ingénieurs et designers –, tout comme nos millions d’usagers, sont captifs d’entreprises implantées sur l’axe Pacifique. À côté de cela, il y a d’autres enjeux que l’on peut qualifier de civilisationnels. Derrière ces interfaces que l’on croit insignifiantes se cachent des algorithmes sophistiqués dont l’un des buts est de faire émerger des intelligences artificielles.  Elles seront au cœur des prochaines révolutions industrielles. ChatGPT en est un avant-goût. Ces IA sont entrainées grâce à notre généreuse participation collective que représente notre travail quotidien non rémunéré. Par exemple, quand nous insérons, modifions ou légendons des photos, ce sont autant d’informations captées par ces algorithmes pour affiner leurs apprentissages.  Ces plateformes, conçues pour être addictives en ciblant le circuit neuronal de la récompense, sont un bouffe-temps qui altère la concentration des plus jeunes dans leurs études, quand il ne sert pas de bras armé au service du harcèlement scolaire. A propos de TikTok, le président de la République ne l’a-t-il pas qualifié de « premier perturbateur (psychologique)… chez les enfants et les adolescents » ? Ce mois du Ramadan est peut-être l’occasion de décrocher des usages parasites.