
© France Keyser
Vous êtes adjoint au maire du 1er secteur de Marseille. Comment en êtes-vous arrivé ?
Nassurdine Haidari : Je suis parvenu à occuper la fonction d’adjoint au maire par des négociations assez ardues avec l’ensemble des partis politiques. Il y a deux ans, il n’existait pas de grande diversité en politique, il n’y avait pas de Français d’origine subsaharienne. Or la démocratie n’est efficace que si on fait appel à toutes les forces vives. Nous avons entamé une discussion sérieuse avec l’ensemble des partis politiques. Patrick Menucci [maire PS du premier secteur de Marseille, ndlr] a été sensible à cette doléance légitime, et a compris que la citoyenneté se devait d’honorer tous les Français, quelle que soit leur origine.
En quoi consiste votre fonction d’adjoint ?
N. H. : Ma mission est de structurer les associations du secteur, de leur donner les moyens de concrétiser leurs projets, mais aussi de développer le sport sur notre territoire. Le centre-ville est peu pourvu en structures. Il s’agit dès lors de trouver de nouvelles manières de pratiquer le sport en ville. Pour ce qui concerne la jeunesse, le but est d’essayer de donner envie aux jeunes de s’engager dans la vie publique et de participer à l’amélioration de toute la société.
Vous avez été imam de l’âge de 11 à 26 ans. Pourquoi avoir arrêté ?
N. H. : J’ai cessé d’exercer ma fonction d’imam afin de lever toute ambigüité vis-àvis des électeurs. Il faut séparer les deux domaines : le politique et le religieux. Je devais montrer à l’électeur lambda que j’étais le Nassurdine qui avait un point de vue proprement politique. L’imamat n’est pas obligatoire. Aujourd’hui, ma vocation est politique. Je veux améliorer mon pays, même si c’est à mon humble échelle. Les prochains combats en France devront mobiliser toute mon énergie, pour lutter contre les crises sociale, économique, financière, qui touchent notre pays.
Comment alliez-vous politique et valeurs éthiques ?
N. H. : Dans mon esprit, il n’y a aucune contradiction entre le partage, l’amour de l’autre – qui sont des valeurs profondément islamiques – et les valeurs de notre pays. Ma construction religieuse m’a permis d’être citoyen. Je suis un enfant de l’islam des caves, et la valeur de pardon m’a aidé par rapport à ce que j’ai vécu au sein de la République. Sans valeurs éthiques, je ne sais pas si j’aurai eu la force de pardonner toutes les défaillances de la République.
Qu’ont en commun M. Haidari, le politique, et Nassurdine, le musulman ?
N. H. : Le devoir de vérité est en religion et en politique un bien précieux. On ne ment pas en religion, à celui qui est devant soi. J’ai la même philosophie en politique. Je dis ce que je suis capable de faire, comme ce que je ne suis pas capable de faire. Je crois en l’intelligence de l’honnêteté. La vérité permet toujours à celui qui vous a fait confiance de vous donner de la considération en vous regardant dans les yeux. En politique, il y a certes des stratégies, de l’ambition, mais l’ambition n’est pas contraire à mes valeurs.
La communauté comorienne de Marseille a été endeuillée par le tragique accident de l’Airbus A310 et vous en avez été le porte-parole. Quelles suites allez-vous donner à votre action ?
N. H. : L’association SOS Voyages, dont je suis porte-parole, va aux Comores mardi [21 juillet, ndlr] pour faire entendre nos revendications. Nous souhaitons interpeller le Président de l’union des Comores et lui dire que, sur ce dossier, la lumière et le devoir de justice devront être la seule voie possible. Nous voulons aussi lui dire que les Français d’origine comorienne, qui représentent 15 % du PIB des Comores, n’iront au pays que si des mesures concrètes sont mises en application pour la sécurité des passagers. La vie d’un homme est précieuse, où qu’il soit. SOS Voyages demande aux Comores une meilleure prise en charge des voyageurs. Il faut désenclaver les Comores pour que des sociétés autres que Yemenia desservent cette destination.
Quels autres sujets vous touchent en politique ?
N. H. : Ce qui me touche, c’est la représentativité politique des dites minorités. En 2009, la France doit sortir d’une vision racialiste et raciste. Toute discrimination est un problème. Je me bats aussi contre l’islamophobie. Je pense à Marwa [Marwa El-Sherbini a été assassinée le 1er juillet, en Allemagne, par un islamophobe, ndlr], parce que le discours sur l’islam stigmatise, catégorise et exclut les musulmans de l’appartenance nationale. L’islam est dans la République, et les musulmans sont républicains : la société doit les respecter comme tels. Il y a aussi la question de la pauvreté qui me touche beaucoup. J’ai moi-même vécu dans des conditions très difficiles, avec un père exceptionnel et une mère exceptionnelle. Il faut apprivoiser la pauvreté. La précarité d’une famille ne devrait pas freiner l’émancipation sociale. Pour moi, ce n’est pas une cause de délinquance. Il faut essayer de donner à tous les Français des conditions de vie meilleures.
Que pensez-vous du projet de la Grande Mosquée de Marseille ?
N. H. : Il y a un proverbe qui dit : « Il faut construire le musulman avant de construire sa mosquée. » Ce projet d’envergure met du temps, car il est tombé dans la politique. Le projet doit être à la hauteur de ce qu’est l’islam ; et à Marseille, il représente au moins 15 % de la population. Il faut laisser les musulmans s’occuper du projet. Ce ne sont pas aux autorités de s’en mêler.
Vous dispensez des cours de psalmodie du Coran. Qu’est-ce qui vous plaît dans le fait d’enseigner ?
N. H. : La recherche de tout savoir est une obligation musulmane. Un individu qui sait sera toujours plus conscient que celui qui ne sait pas. Ce qui me plaît dans l’enseignement, c’est l’envie d’apprendre et de comprendre. Un enfant vous émerveille toujours devant sa volonté et sa capacité de prendre avec soi ce qu’il ne connaît pas et ce qu’il n’appréhende pas. Je serai toujours émerveillé devant une femme ou un homme qui veut comprendre.
Quel message souhaiteriez-vous délivrer ?
N. H. : Mon message est double. J’aimerais que la France se dise qu’elle a aussi une composante musulmane et en soit fière, au même titre que Barack Obama a dit que les États-Unis sont parmi les plus grands pays musulmans. J’aimerais aussi que les musulmans s’engagent de plus en plus dans la vie de la cité sans préjugé aucun, parce que ceux qui nous combattent n’ont pas encore compris qu’en se heurtant aux musulmans de France ils combattent ce que la France est aujourd’hui.
Bio Express
Né en 1978, à Marseille, Nassurdine Haidari grandit dans le quartier du Panier, avec « des valeurs familiales fortes et une éthique religieuse indispensable ». Alors que la situation économique est difficile, son seul relais avec la société est la mosquée, « qui canalisait la jeunesse pour ne pas aller dans des mauvais chemins ».
Très tôt, la religion prend une place capitale dans sa vie : il est imam dès l’âge de 11 ans, et jusqu’à ses 26 ans. Il apprend l’arabe seul, en autodidacte, et est responsable du prêche du vendredi. En parallèle, il obtient son baccalauréat puis une maîtrise de littérature et langue en arabe classique.
Très tôt, la religion prend une place capitale dans sa vie : il est imam dès l’âge de 11 ans, et jusqu’à ses 26 ans. Il apprend l’arabe seul, en autodidacte, et est responsable du prêche du vendredi. En parallèle, il obtient son baccalauréat puis une maîtrise de littérature et langue en arabe classique.
Marié, sans enfants, diplômé de l’Institut d’études politiques d’Aix-en-Provence, il est aujourd’hui adjoint au maire (PS) du 1er secteur de Marseille, en charge de la jeunesse, des sports et des associations.
Son engagement ne s’arrête pas là : il est aussi porte-parole de l’association SOS Voyages, et président du Conseil représentatif des Français d’origine comorienne.
Son engagement ne s’arrête pas là : il est aussi porte-parole de l’association SOS Voyages, et président du Conseil représentatif des Français d’origine comorienne.