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Mourad Ghazli: “Je suis un homme libre”



Militant politique et ancien sportif français, franc-maçon et musulman, père de famille marié à une catholique, représentant syndical et gestionnaire, les multiples facettes de Mourad Ghazli, homme de conviction, convergent vers la recherche de l’Unité.


© France Keyser
© France Keyser

Quelles sont les valeurs du domaine sportif qui vous ont aidé dans votre parcours professionnel et politique ?

Mourad Ghazli : Le judo exige beaucoup de sacrifices physiques, c’est une école de la réussite, certes, mais très dure. Avec le judo, on peut ensuite tout faire. Je ne connais pas un seul judoka de haut niveau qui n’ait pas réussi dans la vie.

Vous avez pratiqué le sumo, c’est ce qui vous a rapproché de Jacques Chirac ?

M. G. : Pas du tout ! Je soutenais déjà Jacques Chirac avant de pratiquer le sumo, en 1994. À l’époque, les jeunes ne comprenaient pas mon soutien politique. Avec l’actualité politique intérieure et les événements géopolitiques, ils saisissent mieux mon point de vue.

Il est vrai que votre adhésion à la droite de l’échiquier politique en a étonné plus d’un…

M. G. : Pourquoi étonnant ? Parce que les Arabes doivent être à gauche ? À priori, du fait de mon origine sociale et culturelle, aurais-je dû être programmé génétiquement de gauche ? Détrompez-vous. L’éducation que j’ai reçue est celle de la rigueur, du respect de la famille, du travail, de l’exemplarité, toutes ces valeurs sont de droite et non de gauche.

Que reprochez-vous donc à la gauche ?

M. G. : Elle mène une politique de consommation. Au lieu de financer du soutien scolaire, on finance des stages de ski ou de ping-pong pour occuper les jeunes. Plus tard, quand ces derniers veulent monter un business, ils vont voir la mairie. La gauche crée non pas l’indépendance, mais la dépendance à l’Administration. Ses valeurs sont le laxisme, la consommation à la place de l’effort.

Et celles de la droite ?

M. G. : La droite n’est pas le conservatisme. À mes yeux, les valeurs travail et famille sont des valeurs de progrès. Je crois en une droite sociale, humaniste, car c’est à partir de l’homme que l’on fait progresser la société. Je ne suis pas pour l’égalitarisme, mais pour une société équitable. L’égalité, c’est le nivellement ; l’équité, c’est la justice : dans un système de type égalitariste, quelle que soit sa fonction, le travail est rémunéré à l’identique, alors que, dans le système mutualiste, l’individu donne en fonction de ses moyens et reçoit en fonction de ses besoins.

En tant qu’homme politique, que pensezvous de la situation des sans-papiers ?

M. G. : C’est une question de gauche [rires] ! Je suis absolument clair. Tout candidat à l’immigration peut venir sur le territoire à la condition expresse qu’il y vienne travailler, avec un contrat de travail préalable. Il y a tout de même 500 000 emplois en France qui sont vacants. Je propose que tant qu’il n’aura pas cotisé durant 3 ans, il n’aura pas droit aux prestations sociales. C’est ainsi que l’on régulera l’immigration : on n’aura pas une immigration de consommation, mais on aura une immigration de travail.

Ne revient-on pas aux années 1970 dès lors que l’on parle d’immigration de travail ?

M. G. : Non. Le candidat à l’immigration vient en France, demande les allocations, le RMI et il reste à la maison ? C’est ce que j’appelle l’immigration de consommation. La valeur travail est au centre. N’existe-t-il pas un hadith qui rapporte que le Prophète a conseillé à celui qui se plaignait de sa pauvreté de prendre une hache et d’aller couper du bois ? L’effort, le travail, c’est cela qui ouvre les droits.

Vous vous êtes présenté le 17 novembre 2002 à la présidence de l’UMP, pour quelles raisons ?

M. G. : Pour être le patron ! J’avais des idées sur la gestion d’un parti politique et j’estimais être capable de les mettre en oeuvre. Je considère qu’un parti politique ne doit pas fonctionner « à la tête du client » sans aucun critère rationnel ; il faut juger un candidat sur des critères objectifs, d’ordre économique, de politique extérieure… Nous sommes maintenant entrés dans l’ère de la politique-spectacle, où les critères Hollywood priment. Pour voter, c’est le diktat de l’émotion : tapez 1, tapez 2. C’est à celui qui aura le plus beau discours, la plus belle « gueule ». Sous l’influence des médias et des sondages, le comportement des  électeurs devient volatil. La démocratie d’aujourd’hui s’apparente à une grande escroquerie.

Si le mode démocratique est critiquable, quel mode de gouvernement préconisez-vous ?

M. G. : Heureusement que l’entreprise ne fonctionne pas sur le mode démocratique ! Le patron ne se fait pas élire par la base, il prend les rênes du pouvoir, parce qu’on lui reconnaît ses qualités et son expérience. Dans le monde politique, je préconise que la constitution des instances dirigeantes repose sur la nomination de personnalités représentatives de toute la société, aux compétences reconnues. À l’instar du Conseil économique et social, composé de chefs d’entreprise, de personnalités politiques, de syndicalistes… C’est un système autre que la démocratie qui fonctionne. Ces gens ont-ils été élus ? Non ? Sont-ils performants ? Oui.

Expliquez-nous votre appartenance à la franc-maçonnerie : à priori, l’appartenance à l’islam ne suffit-elle pas ?

M. G. : L’un et l’autre ne sont pas incompatibles. J’appartiens à la Grande Loge nationale française (GLN), loge déiste. J’ai juré sur le Coran, car il faut être monothéiste de l’une des trois religions du Livre. La GLN exige de l’impétrant qu’il croit en Dieu, au grand architecte de l’Univers. La maçonnerie est une exceptionnelle école de l’humilité. Quand chacun expose ses travaux et que l’on n’a pas le droit de porter un jugement de valeur sur le travail effectué des uns et des autres, on s’enrichit de nos différences.
C’est tout le contraire de nos sociétés, surtout la société française, qui repose sur le devoir de ressemblance et de l’assimilation au détriment du droit aux libertés individuelles. L’individu disparaît au profit du groupe. La maçonnerie permet de faire un travail sur soi et porte des valeurs qui dénoncent le sectarisme, le racisme. Un maçon, s’il est vertueux, est ami du pauvre et du riche, et doit faire preuve d’ouverture. 

Ne sont-ce pas là des valeurs musulmanes ?

M. G. : Je ne les ai pas opposées ! Je retrouve plein de choses de l’islam. J’ai commencé pratiquement mon apprentissage de l’islam en même temps que mon entrée dans la maçonnerie, et cette dernière a renforcé mon cheminement dans la foi.

Vous avez d’ailleurs effectué la omra ?

M. G. : Oui, il y a 3 ans. L’islam nous demande d’avoir l’esprit critique et de toujours s’interroger. On s’aperçoit que la religion ne peut être une invention de l’homme. Quand on se pose des questions en islam, on en voit toute l’intelligence.
 

Bio Express

34 ans, né à Aubagne (Bouches-du-Rhône), marié et père de 5 enfants.
Gestionnaire de biens immobiliers et responsable syndical UNSA-RATP.
Sport : ancien international de judo (1990-2004) : champion de France par équipe de club, deux fois 2e au championnat de France par équipe, 3e au championnat de France; champion du monde avec l’équipe de France jujitsu (2993-1994); quart de finaliste au championnat du monde et d’Europe de sumo (2000-2001).
Politique : comité de soutien à Jacques Chirac (1995 et 2002), candidat à la présidence de l’UMP (2002), secrétaire national au Parti radical valoisien (2005), membre du comité exécutif au Parti radical valoisien (2006).
Médias : chroniqueur à l’émission « Les grandes gueules » (RMC Info) et à « L’actu au karcher » (Beur FM). 
Livres : co-auteur de Propriétaires, locataires même combat (Éd. Hugo, 2006) et auteur de Ne leur dites pas que je suis français, ils me croient arabe (Éd. Presses de la Renaissance, 2006).


Interview exclusive de Huê Trinh Bâ le Mercredi 1 Octobre 2008

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Edito

La double onde de choc

Mohammed Colin - 23/10/2023
Au moment où nous mettons sous presse ce numéro dont le dossier, décidé il y a plusieurs semaines, porte sur le dialogue interreligieux à l’occasion des 50 ans du Service national pour les relations avec les musulmans (SNRM) de l’Eglise catholique, nous avons été heurtés au plus profond de nous-mêmes par la barbarie qui s’est abattue sur des civils israéliens et celle qui est ensuite tombée sur les civils palestiniens. Et il y a cette angoisse que le pire n’est toujours pas encore arrivé. Quand le sang d’enfants coule, à défaut de pouvoir sauver ces vies, nous nous devons de condamner ces actes abjects par tout ce qu’il y a en nous d’humanité. Ce nouvel épisode tragique nous rappelle tristement que le conflit dure depuis plus de 75 ans. La solution est résolument politique et le statu-quo mortifère auquel la communauté internationale s’est accommodée est intenable. Toutes les énergies doivent s’orienter vers la mise en oeuvre d’une paix juste et durable dans la région. Ébranlé par l’onde de choc de la tragédie du Moyen-Orient, comme si cela n’était pas suffisant, voilà qu’une nouvelle fois encore, le terrorisme sévit au sein de notre école, enceinte républicaine symbolisant l’avenir de notre nation. Hier Samuel Paty, aujourd’hui Dominique Bernard. Il est toujours insupportable de voir, au nom de la deuxième religion de France, qu’on assassine nos concitoyens, tue nos enseignants. Pire encore, de voir l’effet toxique à long terme sur notre tissu social si nous ne faisons pas preuve de résilience. En effet, il faut accepter qu’en démocratie, le risque zéro à propos d’attentats ne puisse exister sans remettre en cause l’État de droit. De même, il est illusoire de vouloir supprimer les divisions internes de notre société, de taire ses conflictualités aussi exacerbées soient-elles, car c’est le principe même de la démocratie. Pour être résiliant, nous devons apprendre à les assumer.