
© Renaud Corlouer
Sur scène, pour votre premier one-man-show, votre spectacle approche les 400 000 entrées... C’est un beau succès pour une première ?
Comte de Bouderbala : Oui, nous sommes entre 300 et 400 000 entrées… C’est mortel ! Je suis très content, mais je ne m’étais fixé aucun objectif ! À chaque fois que je fais quelque chose, j’essaie simplement de me donner à fond. Bien sûr, cela passe par la souffrance et le travail. C’est comme dans le sport, il y a toujours une bonne récompense quand tu travailles avec le coeur.
Justement, c’est sur des terrains de basket que vous avez commencé à vous rendre célèbre... Notamment aux États-Unis…
C. de B. : À 19 ans, je suivais des cours à la fac de Perpignan, tout en jouant pour le club lézignanais. De retour à Paris, j’ai joué dans les clubs du PSG, de Bondy, de Levallois, puis de Poissy. En 2004-2005, lors d’un échange universitaire dans le Connecticut, je me suis retrouvé à jouer dans l’équipe des Huskies, l’équipe de l’université, une des meilleures du pays. C’était le mektoube ! C’est ma coiffeuse qui m’a permis de décrocher un rendez-vous avec le coach qui était aussi son client…
Vous semblez garder un bon souvenir de votre vie aux États-Unis ?
C. de B. : J’avais commencé à y aller dès l’âge de 16 ans, l’été, pour des camps d’entraînement de basket-ball. J’étais à Newark, une banlieue du New Jersey, dans de très mauvaises conditions. Il y avait des cas sociaux sans couverture sociale… C’est pour cela que je n’ai jamais idéalisé l’Amérique. C’est là-bas que j’ai réveillé ma critique sociétale… J’ai commencé à comprendre qu’on était bien en France.
En France, on a eu droit à des débats sur l’immigration lors de la dernière élection présidentielle…
C. de B. : Bizarrement, je n’ai jamais prêté attention à ces débats qui sont hypocrites. En France, le racisme n’est pas ethnique : il est social. Je veux bien parler du voile, de la burqa, du halal… Mais pourquoi n’en parle-t-on pas aux Qataris ni aux Saoudiennes qui font du shopping sur les Champs-Élysées ?
Tout en poursuivant le sport, vous décrochez une équivalence MBA de la Business School de l’université. Finalement, comment vous êtes-vous retrouvé sur scène ?
C. de B. : Je me suis blessé à l’épaule… Il me fallait au moins 10 mois pour m’en remettre… Je ne voulais pas perdre de temps et j’ai voulu essayer la comédie. En fait, j’ai toujours écrit depuis que j’ai l’âge de 12 ans : des poèmes, des nouvelles, des sketchs… Mais j’ai toujours eu cette timidité qui m’empêchait d’aller sur scène. Mais via l’enseignement et le slam, j’ai dépassé cela. Car, à l’école, on ne t’apprend jamais à vaincre ta timidité…
Vous avez grandi à Saint-Denis avec votre ami Grand Corps Malade... Que se passe-t-il dans cette ville ? Vous avez été biberonné au succès ?
C. de B. : [Rires] Il y avait aussi Jacky Ido (acteur et réalisateur, ndlr) ! C’est lui d’ailleurs qui nous a fait découvrir le slam. Il y a toujours eu une émulation positive entre nous trois. On s’est rencontré vers l’âge de 10 ans sur des terrains de basket, puis on s’est retrouvé dans les colonies de vacances… On a vite voulu lancer des projets ensemble. D’abord, c’était le théâtre, puis notre association Melting Pot. Nous avons été à l’origine du jumelage entre la ville de Saint-Denis et celle de Rafah, en Palestine. Une expérience unique lors de laquelle nous avons eu la chance de rencontrer Arafat.
Dans votre spectacle, vous racontez votre expérience de prof en ZEP… Malgré le côté décalé, grossissez-vous le trait sur la violence ? C’est de pire en pire ?
C. de B. : Ce que je raconte est même édulcoré par rapport à certains cas ! Je suis contre le tout-répressif ou le tout-éducatif… Il faut les deux. Chaque génération invente ses conneries… Nous avons eu la chance d’avoir eu des parents présents. Trop d’enfants évoluent dans des familles monoparentales dans lesquelles souvent ce n’est pas évident économiquement. Je me pose souvent ces questions : gère-t-on l’échec dans notre pays ? Que propose-t-on aux jeunes mais surtout qu’est-ce que les jeunes proposent pour leurs propres vies ?
Vous vous moquez aussi des fautes de français des rappeurs et vous imaginez un quota de « racailles » chez les reporters télé... Ne trouvez-vous pas que « taper » sur les banlieusards est trop facile quand on vient de banlieue ?
C. de B. : Je n’ai jamais eu de complexes vis-à-vis de la banlieue ! Il faut faire très attention, car les gens qui utilisent ces termes nous assignent à résidence identitaire... Oui, je viens de banlieue, mais je ne suis pas dans le misérabilisme. Quand je « taille » les rappeurs, qui dit que je vanne nécessairement des banlieusards ? Je m’attaque au rap parce que c’est aussi la culture de l’humour et de la vanne.
Vous parlez aussi du célibat et, notamment, des sites de rencontres dits communautaires. C’est dur de trouver l’âme soeur ?
C. de B. : Oui, c’est difficile de trouver l’âme soeur dans des grandes villes comme Paris. Je pense que ça l’est encore plus pour les femmes. Il est vrai aussi que chez certaines familles musulmanes, il y a encore des blocages s’agissant des mariages mixtes. Les parents, souvent immigrés, ont des enfants qui n’ont pas grandi comme eux et qui n’ont pas les mêmes attentes. Je pense que cela va évoluer parce que les parents veulent toujours voir leurs enfants heureux.
Le spectacle se termine fin décembre à Paris : quels sont vos projets artistiques ?
C. de B. : En septembre, je serai à l’affiche du film d’Olivier Dahan, Les Seigneurs, avec Jean-Pierre Marielle, José Garcia, Gad Elmaleh, Franck Dubosc, Omar Sy, Joey Starr, Ramzy… Je joue le rôle d’un pêcheur-footballeur breton, nommé Le Pen… Dahan m’a permis de rajouter des répliques personnelles au scénario. Pour le tournage, nous avons tous passé trois semaines ensemble coincés dans une île bretonne de 50 habitants… On a bien rigolé !
À la veille du mois de Ramadan, comment vivez-vous ce moment particulier ? Que signifie pour vous le mot « spiritualité » ?
C. de B. : Le Ramadan est une période que j’aime bien, c’est une atmosphère particulière… Même si c’est très dur l’été ! C’est le moment où tu changes ton rythme et tu penses à autre chose : tu relatives beaucoup. La spiritualité, c’est important forcément, ça aide à avancer. Cela ramène aux choses simples : la famille, faire les bons choix, croire en sa force intérieure.
Bio Express
Sami Améziane, alias le Comte de Bouderbala, est né le 6 janvier 1979, à Saint-Denis. Très jeune, il rêve d’être joueur de basket-ball professionnel. Il intègre l’équipe nationale algérienne et évolue dans de grands clubs français et américains.
Cela n’empêche pas le fan de basket de poursuivre des études de langues et de commerce. À la suite d’une blessure de l’épaule, il doit arrêter le sport de haut niveau.
Avec son ami Fabien Marsaud (Grand Corps Malade), il se lance dans le slam puis naturellement dans le stand-up. Il choisit son nom de scène : « Bouderbala, en arabe, ce sont les guenilles, les haillons. C’est le comte du ghetto », explique-t-il.
Sur scène, il raconte son parcours de fils d’immigrés, son expérience aux États-Unis à l’université du Connecticut. En 2006, il traduit ses spectacles en anglais et les joue dans des Comedy Club de New York.
Sur scène, il raconte son parcours de fils d’immigrés, son expérience aux États-Unis à l’université du Connecticut. En 2006, il traduit ses spectacles en anglais et les joue dans des Comedy Club de New York.
En France, il passe par le Jamel Comedy Club, qu’il quitte très tôt à la suite de désaccords sur les modalités
de contrats. Surtout, il préfère travailler seul.
En 2010, il joue au Théâtre du Gymnase avant d’investir la mythique salle de l’Alhambra.
Son spectacle est prolongé jusqu’en décembre 2012.
Son spectacle est prolongé jusqu’en décembre 2012.