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Tremblay-en-France : La mosquée, au coeur de la cité



Tout juste sortie de terre, la mosquée de Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis) a ouvert ses portes le 21 avril 2010. Le projet est devenu réalité grâce aux efforts d’une association, l’UMTEF, qui a su créer une émulation dans la communauté musulmane de la ville. La mosquée de Tremblay-en-France devrait être inaugurée à l’occasion du mois de Ramadan 2010.


© Lahcène Abib
© Lahcène Abib
À deux pas du centre-ville, la nouvelle mosquée de Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis) trône fièrement au bord d’une départementale. Revêtu de granit venu de Chine, le bâtiment a du cachet. « Pendant les heures de pointe, les automobilistes freinent, attirés par ce bâtiment contemporain », constate Abdelghani Bentrari, président de l’Union musulmane de Tremblay-en-France (UMTEF). En arrière-plan, la forêt, poumon vert de la Seine-Saint-Denis, sublime le gris bleuté de la façade. Dôme en verre, multitude de baies vitrées et rampe en teck donnent à la mosquée un style design. Il faut dire que « ce nouveau lieu de culte a été construit selon les normes HQE [haute qualité environnementale, ndlr] », précise-t-il.

Une mosquée mondialisée
 
« Nous avons voulu faire la mosquée de tout le monde. » Un choix pensé jusque dans les matériaux choisis. Granit de Chine, menuiserie du Portugal ou  carrelage d’Italie ! Encore en chantier, la salle principale des hommes (335 m2) est en marbre blanc et vert, importé de Tunisie. Au sous-sol, une salle, achevée, accueille déjà les premiers fidèles. Touche finale, le lustre. Actuellement en commande, il est fabriqué en Espagne à base de cristal et d’or. À l’étage, la salle des femmes est construite en mezzanine. Un tapis, en provenance d’Espagne, recouvrira prochainement les 200 m2 qui leur sont réservés. « En  attendant, elles apportent leur tapis. » Très éclairée, la mezzanine dispose d’une verrière et d’un patio, d’où les femmes peuvent accéder de l’extérieur. La salle des ablutions, éclairage automatique et tabourets en teck, ne dément pas les choix avantgardistes de l’UMTEF. « Nous avons voulu une mosquée avec une empreinte moderne, ouverte sur le monde », insiste M. Bentrari.

S’engager pour la ville
 
Car l’UMTEF veut faire de cette mosquée un lieu ouvert à tous : les musulmans de la ville et de ses environs – y viennent à la prière du vendredi les salariés de la plateforme aéroportuaire de Roissy-Charles-de-Gaulle (pôle dont 90 % de l’activité économique bénéficie directement à la ville) − mais aussi tous les Tremblaysiens. « Nous sommes impliqués dans tous les événements de la ville, en rapport ou non avec l’islam. » 

Depuis son ouverture, « de nombreux passants ont franchi la porte et visité le lieu ». Jeter des passerelles. Ici tout a été construit dans ce souci d’ouverture. « Nous avons même opté pour du carrelage à l’entrée des salles, afin que les visiteurs ne soient pas obligés de retirer leurs chaussures. » Au fond, l’histoire de cette nouvelle mosquée est liée à l’engagement associatif d’Abdelghani Bentrari. À travers l’UMTEF, l’homme et ses collaborateurs ont su galvaniser les fidèles autour d’un engagement. Religieux d’abord ; citoyen, ensuite.

« Concernant la vie religieuse, nous avons mis les musulmans de la ville face à leurs responsabilité. » En 1999, ils sollicitent les familles pour collecter des fonds. Du fundraising à la française qui fonctionne. En 2005, les travaux démarrent avec 600 000 euros collectés. Une somme très importante pour une population plutôt modeste. « On a senti la main de Dieu », lance Ali, le secrétaire de l’association. « Des non-musulmans ont même fait des dons… » Le projet est bien parti. Seul frein, l’achat ou non du terrain.

Démarche démocratique oblige, « les discussions entre les fidèles favorables à l’achat du terrain et ceux qui y étaient opposés se sont poursuivies pendant un an ». Finalement, le terrain sera acquis par l’UMTEF pour un montant de 270 000 euros. Un choix que les fidèles ne regretteront pas. « Quand la mosquée est sortie de terre, les fidèles ont touché la réalité du bout des doigts. Nous avons récolté 300 000 euros en quelques mois ! » Une relation de proximité avec les fidèles que le président de l’association met à profit pour les questions citoyennes. Comme durant les événements d’avril dernier. « Nous avons publié un communiqué de presse dénonçant les violences », explique- t-il, convaincu que la mosquée a un rôle à jouer dans la cité. Le lieu de culte est également un espace de discussion au niveau local : « Dernièrement, nous avons interpellé les parents sur leurs responsabilités. »

Car M. Bentrari le sait, la mosquée peut apaiser les colères. Déjà, en 2005, lors des émeutes, les membres de l’UMTEF étaient allés à la rencontre des jeunes lors d’une veillée. « Nous avons fait le tour des cités jusqu’à 2 heures du matin, jeunes et vieux. On a sauvé des voitures, ramassé des cocktails molotov… », rappelle-t-il humblement. Et les pouvoirs publics l’ont bien compris : « Nous avons su construire une relation de confiance avec la mairie.» Et d’ajouter, « comme tous les Tremblaysiens, nous vivons pleinement notre appartenance à la ville. » 

TREMBLAY-EN-FRANCE, UNE VILLE SPORTIVE !

Adrénaline. Difficile d’évoquer le lieu sans citer le fameux circuit Carole. Inauguré en 1979, le circuit permet alors aux motards de s’exercer à la course en toute sécurité. Avec 2 055 mètres de surface de piste, le circuit est devenu en l’espace de trois décennies le rendez-vous des passionnés de vitesse. Mais les choses changent. Dès 2012, le circuit Carole sera déplacé dans l’Essonne ou la Seine-et- Marne.

Pour briller, Tremblay-en-France peut encore compter sur l’équipe de handball (TBHB). Avec des joueurs, comme Samuel Ugolin issu de la cité du Grand-Ensemble, l’équipe porte haut et fort les couleurs de la ville. Fondé en 1972, le club affiche une ascension constante. En 2005, il rejoint la crème du handball en passant en 1re division. Le TBHB s’est classé 3e au dernier championnat de France.


© Serge Barthe
© Serge Barthe
« S’ENRICHIR MUTUELLEMENT »

Depuis avril dernier, Tremblay-en-France est en proie à des violences urbaines. François Asensi, maire PC, revient sur la situation et le rôle de la mosquée dans la ville.

Lors des événements de Tremblay, les membres de la mosquée ont-ils joué un rôle pour calmer les jeunes comme ils l’avaient fait en 2005 ?
François Asensi : Ces actes irresponsables desservent à la fois les intérêts de notre ville et ceux des plus vulnérables. Les musulmans de Tremblay en ont bien conscience. Comme tous les habitants, ils empruntent le bus pour se rendre à leur travail. Quand on brûle une voiture, c’est souvent le seul patrimoine d’une famille qui part en fumée.

Faire appel aux dignitaires musulmans en cas de problème, n’est-ce pas contraire à la laïcité ? 
Fr. A : Ensemble, toutes croyances confondues, nous avons voulu dénoncer, condamner ces atteintes aux libertés les plus élémentaires… 

L’UMTEF a publié un communiqué de presse dénonçant ces violences. Pour montrer patte blanche ?
Fr. A : Nul ne songe à instrumentaliser les croyants, de quelque confession qu’ils se réclament. Le communiqué de l’UMTE F a permis de rappeler que l’islam est une religion de tolérance. Je nourris une réelle admiration pour le climat qui régnait dans l’Andalousie des Omeyyades. Les communautés y vivaient en osmose.

Vous avez signé l’appel des maires de banlieue. La municipalité va-t-elle s’appuyer sur les communautés religieuses de la ville ?
Fr. A : Seule une transformation sociale radicale pourrait résoudre les problèmes des banlieues. Le problème ne tient aucunement à un affrontement interreligieux, à ce soi-disant « choc des civilisations » comme le prétend l’auteur américain Samuel Huntington.


Repères
• 1999 : création de l’Union musulmane de Tremblay-en-France (UMTF) à l’origine du projet
• Juin 2005 : lancement de la construction
 Octobre 2005 : les premiers murs de la mosquée sortent de terre 
• Courant 2007 : fin des travaux de gros oeuvre
• 2008 : fin des travaux secondaires
• 21 avril 2010 : ouverture de la mosquée
• Capacité d’accueil : 1 500 fidèles
• Coût global estimé de la construction : 2,5 millions d’euros
• Coût du terrain acquis par l’UMTEF : 270 000 euros
• Superficie totale : 1 737 m2 de terrain, 1 000 m2 de bâti (salle des femmes : 200 m2 ; salle des hommes : 335 m2 ; salle du sous-sol : 256 m2)

© Lahcène Abib
© Lahcène Abib
Portrait

Né en 1966 à Benisaf (Algérie), Abdelghani Bentrari arrive en France en 1990. Il obtient une maîtrise de droit. Très engagé, il s’implique dans sa ville d’adoption, Tremblay-en-France. « Quand je m’y suis installé, j’ai été frappé par l’inertie ambiante. » Il se lance alors dans un travail de terrain. En 1996, la JMTEF (Jeunes musulmans de Tremblay-en-France) voit le jour. « Nous avons réalisé beaucoup de choses à la fois spirituelles et culturelles », lance-t-il. En 1999, il crée et  préside l’UMTF, née de la fusion de la JMTEF et de l’Association d’entraide tremblaysienne.
Au-delà de son rôle religieux, il met son énergie au profit de sa commune. « J’ai été président de l’Amicale des locataires. » Aujourd’hui, responsable de la gare routière de Tremblay, l’homme défend « un engagement qui dépasse le cadre de la mosquée ». Il est père de cinq enfants.


Reportage de Nadia Moulaï le Mardi 1 Juin 2010


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Edito

La double onde de choc

Mohammed Colin - 23/10/2023
Au moment où nous mettons sous presse ce numéro dont le dossier, décidé il y a plusieurs semaines, porte sur le dialogue interreligieux à l’occasion des 50 ans du Service national pour les relations avec les musulmans (SNRM) de l’Eglise catholique, nous avons été heurtés au plus profond de nous-mêmes par la barbarie qui s’est abattue sur des civils israéliens et celle qui est ensuite tombée sur les civils palestiniens. Et il y a cette angoisse que le pire n’est toujours pas encore arrivé. Quand le sang d’enfants coule, à défaut de pouvoir sauver ces vies, nous nous devons de condamner ces actes abjects par tout ce qu’il y a en nous d’humanité. Ce nouvel épisode tragique nous rappelle tristement que le conflit dure depuis plus de 75 ans. La solution est résolument politique et le statu-quo mortifère auquel la communauté internationale s’est accommodée est intenable. Toutes les énergies doivent s’orienter vers la mise en oeuvre d’une paix juste et durable dans la région. Ébranlé par l’onde de choc de la tragédie du Moyen-Orient, comme si cela n’était pas suffisant, voilà qu’une nouvelle fois encore, le terrorisme sévit au sein de notre école, enceinte républicaine symbolisant l’avenir de notre nation. Hier Samuel Paty, aujourd’hui Dominique Bernard. Il est toujours insupportable de voir, au nom de la deuxième religion de France, qu’on assassine nos concitoyens, tue nos enseignants. Pire encore, de voir l’effet toxique à long terme sur notre tissu social si nous ne faisons pas preuve de résilience. En effet, il faut accepter qu’en démocratie, le risque zéro à propos d’attentats ne puisse exister sans remettre en cause l’État de droit. De même, il est illusoire de vouloir supprimer les divisions internes de notre société, de taire ses conflictualités aussi exacerbées soient-elles, car c’est le principe même de la démocratie. Pour être résiliant, nous devons apprendre à les assumer.