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Salamnews

Nantes : La mosquée Assalam, bientôt les premières pierres !



Deux chantiers de mosquée s’achèvent à Nantes. Une troisième est prévue dans le quartier Malakoff. L’occasion pour Salamnews d’aller à la rencontre de l’association initiatrice du projet et de se pencher sur la place faite à l’islam dans l’agglomération nantaise.


© Lahcène Abib
© Lahcène Abib
C’est non loin de la gare de Nantes, dans le quartier Malakoff, qui concentre la partie la plus importante de la communauté musulmane, que l’Association islamique de l’ouest de la France (AIOF) a choisi de s’installer en 1980. Créée par un groupe d’immigrés de la première génération, elle avait pour but, avant tout, de doter les musulmans nantais d’un vrai lieu de culte. Pari réussi : aujourd’hui, toutes les générations et les nationalités se mêlent dans l’ancienne chapelle Saint-Christophe, transformée aujourd’hui en mosquée, du nom d’El Forqane. Une reconversion des lieux rendue possible par l’évêché, qui en avait  fait don, à l’époque, à la jeune association. « La chapelle était déjà désaffectée, mais la croix a été masquée pour notre arrivée. L’Association islamique de l’ouest de la France fut la première association de la région Ouest à gérer un lieu de culte musulman, qui, par la suite, de par son expérience, a permis le foisonnement d’associations similaires, qu’elle a pour la plupart parrainées », se souvient, nostalgique, Abdelkhalek Chadli, un des bénévoles de la première heure et actuel président de l’association.

Mais, très vite, la petite salle de prière devient exiguë, obligeant les responsables de l’association à doubler d’efforts avec leurs modestes moyens. La première solution provisoire est de prendre en charge un autre local mitoyen, qui leur permettra de recevoir un nombre plus important de fidèles. Mais cette solution initialement prévue pour quelques mois devient « définitive », faute de mieux. 

Une mosquée plus grande et mieux adaptée

Car, depuis les années 1980, les malentendus se succèdent entre l’association et la municipalité. « Nous avons écrit successivement aux différents maires et nous n’avons jamais eu de réponses. Il n’y avait pas de réelle reconnaissance du culte musulman. Ils avaient également de nombreux préjugés sur l’association, écoutaient toutes sortes de fausses informations », avoue, encore ulcéré, Abdelkhalek Chadli. « Pourtant, à l’AIOF, notre discours est clair : nous sommes des citoyens français, de confession musulmane, respectueux du vivre-ensemble dans le cadre républicain et laïc français. L’islam nous incite à être responsables, à avoir un comportement exemplaire, à être tolérants et à oeuvrer pour le bien de tous dans la société. » Une incompréhension qui éclate au grand jour quand l’association apprend que le quartier de Malakoff est « frappé d’alignement » et que l’actuelle mosquée doit être traversée par une route. Une décision unilatérale, prise sans concertation avec les membres de l’AIOF.

© Lahcène Abib
© Lahcène Abib
C’est à la faveur d’un changement de municipalité, en 1989, que les rapports, d’abord timides, deviennent de plus en plus souples. Patrick Rimbert, premier adjoint au maire, l’avait précisé en son temps : « La ville accompagne la recherche de terrains présentée par l’association demanderesse lorsque les projets sont ancrés dans la réalité des quartiers. En ce sens, la ville favorise les projets intégrés à l’environnement et à l’échelle des quartiers. » En juin 2007, le maire socialiste Jean-Marc Ayrault se déclare favorable à « un traitement équitable de toutes les religions ». La construction d’une vraie  mosquée et d’un centre culturel islamique, situés à Malakoff, est enfin entérinée.

Pour le président du CRCM Pays de la Loire, Saâd Chettouh, cette différence de traitement s’explique par la démarche volontaire de l’association à s’ouvrir au dialogue interreligieux : « Il s’agit de créer non seulement un lieu de culte, mais aussi un lieu d’échange ouvert à un large public. Il s’adresse à l’ensemble des musulmans, sans distinction d’origine, de nationalité ni d’école de jurisprudence. Et même aux nonmusulmans. D’ailleurs, nous organiserons des journées portes ouvertes comme c’est déjà le cas dans notre petite mosquée. » Un désir d’ouverture et de modernité, qui se traduira jusque dans l’architecture de la future mosquée. Celle-ci présentera des lignes épurées et comprendra un jardin d’inspiration arabo-andalouse.

Nantes, un héritage historique

Histoire. Au XVe siècle, la ville se développe grâce au commerce maritime et fluvial. C’est à Nantes que s’achèvent les guerres de Religion par la promulgation de l’édit de Nantes, en 1598. Les huguenots obtiennent ainsi d’Henri IV, roi de France, la liberté de conscience et des garanties en matière de droits. L’édit sera révoqué en 1685 par Louis XIV. Longtemps nommée « ville des négriers », elle est, au XVIIIe siècle, l’un des principaux pôles du trafic d’exportation des esclaves, depuis les côtes de l’Afrique noire vers celles de l’Amérique. La ville fut également, dès les XVIIe et XVIIIe siècles, un grand centre de construction navale, mais cette activité prit fin avec la fermeture des chantiers Dubigeon, en 1987. Ouverte sur le monde, elle entretient des liens de coopération avec six villes, dont Agadir  (Maroc), et est liée d’amitié avec Jéricho (Palestine). 

Jamais deux sans trois !

Plutôt qu’une seule grande mosquée, le maire de Nantes, Jean-Marc Ayrault, a choisi stratégiquement de multiplier les mosquées à « taille humaine ».

Pluralité. « Étant donné les rapports de force différents selon les tendances de l’islam, le risque d’une mosquée unique est de voir une communauté prendre le pas sur les autres », explique Patrick Rimbert, adjoint à l’urbanisme. Longtemps, les musulmans nantais ont prié dans de simples locaux, souvent vétustes et mal isolés. « C’était une vraie galère, les lieux n’étaient pas chauffés, avec des hivers à – 5 °C, je vous laisse imaginer... », se souvient Abdelkhalek Chadli, président de l’AIOF, qui se félicite de la construction quasi simultanée des trois lieux de culte.
Située, dans le quartier nord, face à la prison, la mosquée Ar-Rahma (« miséricorde », en arabe), dont la construction a commencé il y a deux ans, est bientôt achevée. « 600 m² d’emprise au sol, 12 m de hauteur à la coupole, deux minarets, un budget global de 1,2 million d’euros », détaille fièrement Mohamed Boukhris, président de l’Association culturelle musulmane de Nantes Nord. La seconde mosquée, dite celle des Turcs, à Bellevue, comprendra, outre la mosquée, un café (turc), une épicerie et une bibliothèque, et sera surmontée d’un minaret d’une hauteur de 20 m. Les murs de béton sont actuellement recouverts par des tailleurs venus d’Anatolie, qui apposent de la pierre calcaire importée de Bayburt (Turquie). Cette mosquée ouvrira ses portes fin juillet 2009.

Repères
• 1980 : naissance de l’Association islamique de l’ouest de la France (AIOF).
• 9 juin 2007 : achat du terrain de 3 100 m2.
• 13 mars 2008 : obtention du permis de construire.
• Superficie de l’actuelle mosquée : 300 m2.
• Superficie de la future mosquée Assalam : 2 100 m2 + 150 places de parking mutualisées.
• Nombre de fidèles le vendredi : de 600 à 800.
• Nombre de fidèles pour l’Aïd : 3 000 et 4 000.
• 900 000 euros récoltés à ce jour pour la future mosquée : http://assalam.sup.fr

© Lahcène Abib
© Lahcène Abib
Portrait

Arrivé d’Égypte en 2000, Tarek Abou El Wafa, 38 ans, prêche chaque vendredi « le vrai visage de l’islam, qui prône la tolérance ». « Les musulmans méconnaissent leur religion, c’est donc normal que les incompréhensions se multiplient avec les non-musulmans », nous explique-t-il. Pour ce père de trois enfants, il est primordial que la communauté musulmane fasse preuve de plus de rigueur dans son raisonnement, dans le choix de ses lectures et dans l’apprentissage de sa foi. La notoriété de ce professeur en sciences religieuses, diplômé de la prestigieuse université al-Azhar, en Égypte, et docteur en droit de la Sorbonne, dépasse largement la ville de Nantes. Très plébiscité par de nombreuses associations, Tarek Abou El Wafa donne régulièrement des conférences à travers tout le pays, et tente d’apporter ainsi des réponses aux préoccupations des musulmans de France. 

Reportage de Nadia Hathroubi-Safsaf le Vendredi 1 Mai 2009


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Edito

La double onde de choc

Mohammed Colin - 23/10/2023
Au moment où nous mettons sous presse ce numéro dont le dossier, décidé il y a plusieurs semaines, porte sur le dialogue interreligieux à l’occasion des 50 ans du Service national pour les relations avec les musulmans (SNRM) de l’Eglise catholique, nous avons été heurtés au plus profond de nous-mêmes par la barbarie qui s’est abattue sur des civils israéliens et celle qui est ensuite tombée sur les civils palestiniens. Et il y a cette angoisse que le pire n’est toujours pas encore arrivé. Quand le sang d’enfants coule, à défaut de pouvoir sauver ces vies, nous nous devons de condamner ces actes abjects par tout ce qu’il y a en nous d’humanité. Ce nouvel épisode tragique nous rappelle tristement que le conflit dure depuis plus de 75 ans. La solution est résolument politique et le statu-quo mortifère auquel la communauté internationale s’est accommodée est intenable. Toutes les énergies doivent s’orienter vers la mise en oeuvre d’une paix juste et durable dans la région. Ébranlé par l’onde de choc de la tragédie du Moyen-Orient, comme si cela n’était pas suffisant, voilà qu’une nouvelle fois encore, le terrorisme sévit au sein de notre école, enceinte républicaine symbolisant l’avenir de notre nation. Hier Samuel Paty, aujourd’hui Dominique Bernard. Il est toujours insupportable de voir, au nom de la deuxième religion de France, qu’on assassine nos concitoyens, tue nos enseignants. Pire encore, de voir l’effet toxique à long terme sur notre tissu social si nous ne faisons pas preuve de résilience. En effet, il faut accepter qu’en démocratie, le risque zéro à propos d’attentats ne puisse exister sans remettre en cause l’État de droit. De même, il est illusoire de vouloir supprimer les divisions internes de notre société, de taire ses conflictualités aussi exacerbées soient-elles, car c’est le principe même de la démocratie. Pour être résiliant, nous devons apprendre à les assumer.