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Halal police d’État : Éric et Ramzy signe leur film le plus politique.



Quand deux policiers algériens débarquent à Paris pour prêter main forte aux agents français, ça donne Halal police d’État. Complètement grimés, Éric et Ramzy exploitent l’univers « blédard ». Mais il ne faut pas s’y tromper : derrière les vannes et les pitreries, il s’agit d’un film engagé.


© Alexandra Babonneau / 2010 Europa Corp.
© Alexandra Babonneau / 2010 Europa Corp.

Comment Ramzy Bédia, inscrit dans différentes écoles de commerce puis vendeur, et Éric Judor, guide touristique puis informaticien, deviennent Éric et Ramzy ?

Éric : On n’a pas décidé un beau jour de créer Éric et Ramzy, on était déjà Éric et Ramzy ! Depuis notre rencontre, on a toujours fait des vannes ensemble. Ça fusait toujours du tac-au-tac ! Ce sont nos potes qui nous on dit qu’on était drôles, qu’on avait du talent. Et surtout que cela pouvait nous faire gagner de l’argent ! [Rires]
 
Ramzy : Oui, et je me rappelle très bien de notre premier million de dollars ! [Rires] On venait de jouer dans un café-théâtre et le patron nous avait payé 2 000 francs… On les a partagés dans les toilettes du café d’en face, en se disant que c’était ouf ! Depuis, on n’a jamais vraiment galéré.

Vous avez été reconnus notamment grâce à la série « H » de Canal+, avec Jamel Debbouze… On a vu Omar et Fred dans beaucoup de vos films… Quelles relations avez-vous gardé avec cette bande d’humoristes ?

R. : À l’époque, nous étions tous une grande bande, c’est vrai ; mais, malheureusement, les gens changent… Ce qui est normal, cela fait 15 ans ! Mais il est vrai que ces changements sont exacerbés par la notoriété, l’argent, etc. Pour la petite histoire, on était amis de notre côté avec Fred, et Jamel avec Omar. Comme on traînait avec Jamel, c’est comme ça que Omar et Fred se sont rencontrés. Sauf dans les deux derniers films, Omar et Fred apparaissent dans tous nos films !

Après Il reste du jambon, vous êtes à l’affiche de Halal police d’État. Pourquoi le titre fait-il mention du « halal » ?

É. : C’est avant tout un jeu de mots avec Hawaï, police d’État. Et comme ça colle bien aux Arabes, ça tombait bien !

Ramzy, est-ce que vous mangez halal ?

R. : Non, je ne mange pas halal. Je suis persuadé que 80 % de la viande dite halal ne l’est pas… Que les boucheries se passent les certificats entre elles. Je sais que certains essaient de mettre un peu de sérieux dans tout ça, mais ce n’est pas gagné ! Et puis, mince !, nous sommes en France. Je ne vais pas commencer à chipoter quand je vais au restaurant. Je ne mange pas de porc, mais je ne mange pas halal non plus…

Pourtant, toute une génération de musulmans revendique ce droit de manger halal et s’organise…

R. : Oui, mais je ne suis pas fan de ça. Je sais bien qu’on subit des discriminations, que le repli identitaire est donc naturel. Mais si on s’enferme dans nos voiles et nos mosquées, on perd du temps… Il faut être encore plus Français que les Français, tout en étant musulman !
Quand j’étais jeune, ça passait mal de dire qu’on était Algérien. Toute mon enfance, je disais que j’étais Égyptien, Syrien et même Italien ! Ces jeunes qui portent des maillots de l’Algérie et ces barbus, c’est un peu comme les fans de hard rock… À un moment ou à un autre, il faut bien enlever son gros casque, ses badges et son blouson en cuir… C’est bon, on sait que tu aimes le hard rock, écoute-le chez toi !
La religion, c’est dans le coeur. Je me trompe peut-être, mais j’ai été élevé comme ça…

Justement, quelle a été votre éducation religieuse ?

R. : Mes parents m’ont mis dans une école chrétienne, je connais mes prières catholiques ! Ils ne m’ont jamais pris la tête sur l’islam. Ils m’ont au contraire montré à quel point c’était la plus belle religion du monde, la plus tolérante. Ma famille est très croyante, mon père est quintuple hadj ! Mes soeurs trouvent la sérénité dans le voile, je respecte cela. Il n’y a rien de méchant dans le voile !
Et je suis beaucoup plus musulman que n’importe quel musulman. Même si un barbu me dit que ce n’est pas bien de boire ce verre de vodka…

Dans cette comédie, Ramzy, vous jouez le rôle de Nerh Nerh, largement inspiré de l’inspecteur Tahar, très connu des Algériens… Pourquoi ce personnage ?

R. : En tant qu’Algérien, on connaît tous cet inspecteur et sa voiture rouge ! C’est un hommage aux Algériens que j’aime tant. Ils souffrent tellement et depuis si longtemps… Mais ils ont toujours une bonne vanne à raconter ! Je retourne en Algérie de temps en temps et j’adore ce peuple. Je leur souhaite tout le bonheur du monde !

Dans Halal police d’État, on y voit des terroristes catholiques, l’expulsion d’un Français en situation irrégulière en Algérie… Les clichés sont totalement inversés. C’est assez osé, non ?

R. : Oui, clairement, car je me sens concerné par ce qui se passe. On n’a jamais parlé politique avec Éric, mais je n’aime pas qu’on salisse mon islam ! C’est certainement parce que je viens de perdre mes parents que j’ai vraiment envie de perpétuer les valeurs de l’islam… C’est tellement beau, l’islam ! 
Imaginez-vous, c’est mon propre père qui m’a dit de baptiser mes enfants à l’église, en marque de respect pour la famille de ma femme. Il m’a dit : « On a fait le halal musulman, tu vas montrer qu’on est ouvert et qu’on n’est pas des sauvages… Mais ne t’inquiète pas, l’islam est toujours plus fort ! » On m’a demandé : « Acceptez-vous Jésus dans le corps de votre fille ? » J’ai dit : « Oui ! » Pourtant, je m’estime 100 % musulman !


Beaucoup de musulmans se plaignent de ce climat nauséabond, de l’islamophobie, est-ce que ce film est une réaction à cela ?

R. : Oui, car sans traiter des pratiques de l’islam, le film parle surtout de l’image de cette religion. Et j’en ai marre, par exemple, de « Harry Roselmack en immersion chez les musulmans salafistes ». Avant je m’en fichais, mais aujourd’hui ça me saoule ! J’ai l’impression que ce climat a commencé depuis la campagne présidentielle de Sarkozy… On s’est lâché depuis !
Quand on regarde les JT sans le son, on voit tout de suite des femmes arabes qui pleurent leurs morts, puis on passe dans une cité avec des mecs à capuche… Le lien est fait. Les musulmans sont des méchants ! À la télé, j’ai l’impression que l’islam est une sorte de serpent dégueulasse, tout gluant, qui ne nous lâche pas ! J’en ai marre de cette sensation et je veux la dénoncer !

Quand on parle de jeunesse qui s’engage, on ne peut s’empêcher de penser à ces Tunisiens qui ont imposé au monde leur révolution…

É. : C’est fou, mais on s’est tous réveillés d’un coup et on a découvert que la Tunisie était une dictature ! Ce qui est encore plus effrayant, c’est qu’on a  l’impression que nos dirigeants se sont réveillés en même temps que nous ! Ben Ali, qu’on accueillait avec tous les honneurs, avait en fait un peuple malheureux !
 
R. : J’avoue qu’avant on traitait gentiment les Tunisiens de femmelettes mais, en fait, ce sont des guerriers ! Ce qu’ils ont fait est magnifique ! C’est la première révolution arabe, ils ont donné une leçon aux Arabes et au monde entier… C’était très beau et très émouvant. Plus jamais de ma vie, je ne me moquerai des Tunisiens ! [Rires]

Finalement, l’humour est un acte militant…

É. : L’humour, c’est notre unique arme ! Cela nous permet de parler de tout sans tabous.

R. : Dénoncer l’islamophobie dans un film sérieux, ce serait rasoir… On a la chance d’avoir le rire et, surtout, j’ai Éric, moi ! Donc on s’est dit : on va mettre des moustaches, des perruques et on y va ! [Rires].

Bio Express

Ils se sont rencontrés en 1994. Éric Judor, 42 ans, né d’un père guadeloupéen et d’une mère autrichienne, et Ramzy Bédia, 39 ans, d’origine algérienne, font leur première scène en 1996.
Très vite, tout s’enchaîne pour eux. De salles en théâtres, ils se font connaître et prennent les ondes d’assaut. Radio Nova puis Fun Radio, avec le « Éric et Ramzy show ». Avec les « Mots d’Éric et Ramzy » sur M6, la télévision devient leur nouveau terrain de jeu en 1997. 
Ils participent ensuite à la création du sitcom « H », sur Canal+, avec Jamel Debbouze. En 2000, ils partent en tournée avec 130 dates, qui s’achève en beauté à l’Olympia. Il ne leur manque plus que le cinéma !
Voilà qui est fait en 2001. Ils écrivent et réalisent La Tour Montparnasse infernale. Ils remettent ça en 2004, dans Double Zéro, puis Les Dalton. En 2010, ils jouent dans Il reste du jambon, réalisé par Anne Depetrini, compagne de Ramzy.
Les deux humoristes sont papas de petites filles, Ella et Ava pour Ramzy et une petite Luna pour Éric.

Propos recueillis par Mérième Alaoui le Mardi 1 Février 2011

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Edito

La double onde de choc

Mohammed Colin - 23/10/2023
Au moment où nous mettons sous presse ce numéro dont le dossier, décidé il y a plusieurs semaines, porte sur le dialogue interreligieux à l’occasion des 50 ans du Service national pour les relations avec les musulmans (SNRM) de l’Eglise catholique, nous avons été heurtés au plus profond de nous-mêmes par la barbarie qui s’est abattue sur des civils israéliens et celle qui est ensuite tombée sur les civils palestiniens. Et il y a cette angoisse que le pire n’est toujours pas encore arrivé. Quand le sang d’enfants coule, à défaut de pouvoir sauver ces vies, nous nous devons de condamner ces actes abjects par tout ce qu’il y a en nous d’humanité. Ce nouvel épisode tragique nous rappelle tristement que le conflit dure depuis plus de 75 ans. La solution est résolument politique et le statu-quo mortifère auquel la communauté internationale s’est accommodée est intenable. Toutes les énergies doivent s’orienter vers la mise en oeuvre d’une paix juste et durable dans la région. Ébranlé par l’onde de choc de la tragédie du Moyen-Orient, comme si cela n’était pas suffisant, voilà qu’une nouvelle fois encore, le terrorisme sévit au sein de notre école, enceinte républicaine symbolisant l’avenir de notre nation. Hier Samuel Paty, aujourd’hui Dominique Bernard. Il est toujours insupportable de voir, au nom de la deuxième religion de France, qu’on assassine nos concitoyens, tue nos enseignants. Pire encore, de voir l’effet toxique à long terme sur notre tissu social si nous ne faisons pas preuve de résilience. En effet, il faut accepter qu’en démocratie, le risque zéro à propos d’attentats ne puisse exister sans remettre en cause l’État de droit. De même, il est illusoire de vouloir supprimer les divisions internes de notre société, de taire ses conflictualités aussi exacerbées soient-elles, car c’est le principe même de la démocratie. Pour être résiliant, nous devons apprendre à les assumer.