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Clermont-Ferrand : Une Grande Mosquée au service des autres !



À l’endroit d’où sont parties les croisades trône aujourd’hui la Grande Mosquée de Clermont-Ferrand. Dotée d’un bon réseau de cadres issus de l’immigration, la communauté musulmane de la ville a porté le projet à bras-le-corps pendant dix ans. Le 29 janvier 2010, Brice Hortefeux, ministre de l’Intérieur, inaugurait ce haut lieu de l’islam en Auvergne.


© Lahcène Abib
© Lahcène Abib
Dans la rue du Docteur-Nivet, la Grande Mosquée de Clermont-Ferrand illumine les pavillons avoisinants. Le bâtiment sort tout juste de terre. Façade en crépi beige et faïence caramel portent la marque du neuf. Construite dans un style plutôt neutre, la mosquée n’a pas encore de minaret. Le dôme en verre, 7 m 50 de diamètre, est à peine visible. Seules les arcades entourées de briques marron en rappellent le style mauresque. La salle de prière des femmes, une mezzanine, se trouve à l’étage. Près de 500 femmes peuvent y prier les jours de fête.

L’entrée des hommes aboutit à un patio. Mosaïques marron clair et fontaines en forme d’étoile accueillent les fidèles. La salle de prière, aux murs d’un blanc immaculé, contrastent avec la moquette verte. Vingt colonnes en stuc ornent la salle, ajoutant à l’esthétisme du lieu. Assis à l’avant, une dizaine de fidèles, jeunes et âgés, psalmodient des versets coraniques ou égrènent leur chapelet. Devant eux,  le minbar, importé d’Égypte, surplombe la salle. L’imam Mahdjoub devra monter les huit marches pour y faire son prêche. Les lustres en fer forgé ajoutent à la beauté du lieu. Accrochés par huit gros chaînons, ils valorisent la calligraphie au plafond. « C’est la sourate de la dilatation », explique l’un des fidèles présents. Un souci du détail qui change de l’ancienne mosquée, rue Sainte-Claire.

© Lahcène Abib
© Lahcène Abib
De la chapelle à la Grande Mosquée
 
Avant d’investir cette nouvelle mosquée, les fidèles avaient bénéficié de la générosité chrétienne. « L’archevêque Dardel a mis la chapelle Sainte-Claire à notre disposition », souligne Karim Djermani, architecte et président de l’Institut musulman d’Auvergne (IMA). C’était il y a quarante ans. Les musulmans de la ville, reconnaissants, se contenteront de ce prêt. Problème ? Avec 200 m2, dont une salle de 9 m2 pour les femmes, le lieu est rapidement saturé. 

C’est l’imam Mahdjoub, en 1989, qui fait avancer les choses. « Son arrivée a galvanisé les fidèles. Il refait les statuts pour en faire un lieu ouvert à tous », poursuit le  président. L’imam se démène alors pour concrétiser le projet de Grande Mosquée. Dans une communauté en manque d’unité, « il a su fédérer autour de sa personnalité et surtout de ses prêches », témoigne Karim Djermani. Des femmes ont même vendu leurs bijoux pour financer le projet. L’imam, qui se réclame de la tradition soufie, place la relation avec le monde extérieur au centre de son travail. 

Une approche qui a certainement facilité la construction de la Grande Mosquée. Le terrain, alors en friche, est mis en vente un vendredi. « Le lundi, j’avais rendez-vous pour l’achat », précise Karim Djermani. S’il avoue avoir eu beaucoup de chance, la neutralité de la mairie lui a beaucoup servi. « La ville a opté pour le respect absolu du règlement. » D’ailleurs, quand le permis de construction est déposé à la mairie en 2000, point de coup de tonnerre. « Nous avons associé les services techniques de la mairie. » Aujourd’hui, la première tranche des travaux est achevée. Courant 2010, un minaret de 16 mètres devrait voir le jour. Autre phase clé du projet, l’ouverture de l’IMA sur le site. Près de 120 élèves suivent l’enseignement de l’arabe dans des locaux provisoires ou participent aux sorties culturelles. 

Une mosquée engagée
 
« Si l’on se met dans une bulle, comment faire rayonner la mosquée ?» La démocratisation de la culture est en effet l’une des préoccupations de Karim Djermani. « Nous organisons des conférences sur des enjeux de société comme l’islam et l’euthanasie », ajoute-t-il. Les acteurs publics ont d’ailleurs saisi le rôle citoyen de la Grande Mosquée dans la ville et plus largement dans la région. « Nous sommes invités à un colloque consacré à la bioéthique à la Bourboule (Puy-de-Dôme) avec Jean-François Mattéï, médecin et ancien ministre de la Santé. »

Le CHU de Clermont- Ferrand les a sollicités pour réfléchir à la fin de vie des patients musulmans. Et sur les questions de santé, l’IMA est très impliqué. « Nous avons mis en place un module optionnel avec l’École nationale de formation aux soins infirmiers. » Intitulé du cours : « Prise en charge du besoin spirituel à l’hôpital ». Un engagement essentiel pour la Grande Mosquée, dont la devise « Servir et témoigner » prend ici pleinement tout son sens citoyen.

CLERMONT- FERRAND, OUVERTE SUR LE MONDE !

Histoire. En 1095, c’est à Clermont-Ferrand que le pape Urbain II prêche la première croisade. De son passé, la ville a gardé une forte empreinte chrétienne. L’abondance d’églises − une quinzaine dans toute l’agglomération − en témoigne. À commencer par la cathédrale Notre-Dame-de-l’Ascension de Clermont-Ferrand, édifiée au XIIIe siècle et achevée en 1884. Mais Clermont-Ferrand, c’est aussi des personnages célèbres comme Vercingétorix ou Blaise Pascal. Plus tard, au XXe siècle, André Michelin y fonde son entreprise. Aujourd’hui, leader mondial du pneumatique, Michelin fait partie du CAC 40 et emploie 110 000 personnes. Mondialement connue grâce au Bibendum, la ville s’attache à développer une image ouverte sur l’international. En 1998, Clermont-Ferrand s’associe à Marrakech (Maroc) et Bizerte (Tunisie) dans le cadre d’un jumelage.

Serge Godard lors de l’inauguration, en janvier dernier. © D.R.
Serge Godard lors de l’inauguration, en janvier dernier. © D.R.
SERVIR TOUS LES CITOYENS

Serge Godard, maire PS de Clermont-Ferrand, entretient des relations privilégiées avec les communautés de sa ville. Et dans ce haut lieu de l’histoire chrétienne, les musulmans sont des citoyens comme les autres.

Une Grande Mosquée à Clermont-Ferrand. Un défi dans la ville d’où sont parties les croisades, il y a dix siècles ?
Serge Godard : Clermont-Ferrand porte un héritage chrétien comme toutes les communes françaises. Mais c’est la responsabilité des décideurs politiques de servir tous les citoyens, quelles que soient leurs origines ou leurs religions. Ces principes guident l’action de notre municipalité. 

Concrètement, quelles sont vos relations avec les musulmans de la ville ?
S. G. : Les élus de la ville participent activement aux festivités organisées par les associations culturelles, en soutenant leur action par le prêt de salles municipales notamment. Par ailleurs, le conseil municipal a décidé l’achat d’un terrain situé sur la zone d’activités des Gravanches pour le mettre à la disposition du Conseil régional du culte musulman (CRCM) d’Auvergne, par convention d’usage, afin que celui-ci puisse y établir un site temporaire d’abattage rituel durant l’Aïd.

Clermont-Ferrand semble être une exception française. Comprenez-vous que des croyants peinent à obtenir des lieux de culte dignes ?
S. G. : J’ai effectivement beaucoup de mal à comprendre que des fidèles rencontrent des difficultés pour avoir des lieux de cultes dignes. Nous nous attachons à intégrer cette problématique dans notre réflexion. D’ailleurs, nous portons une attention particulière à la mise en pratique de la tolérance, dans le cadre de notre volonté politique de rapprochement des élus et des citoyens, mais surtout du rejet de tout extrémisme.

Repères
• 1993 : l’idée d’une Grande Mosquée à Clermont-Ferrand est lancée.
• 1999 : acquisition du terrain et de propriétés bâties.
• 2000 : dépôt du permis de construire.
• 2003 : pose de la première pierre.
• 29 janvier 2010 : inauguration de la Grande Mosquée de Clermont-Ferrand.
• Surface de la mosquée : 2 700 m2.
• Capacité maximale d’accueil : 1 500 personnes.
• Hauteur du dôme : 13 m de hauteur.
• Coût de la première tranche des travaux : 1 200 000 € HT.
• Coût total : 4 000 000 € HT.

© Lahcène Abib
© Lahcène Abib
Portrait

Hocine Mahdjoub naît en 1956, à Metlili, un village du Mzab, en Algérie. Éduqué dans la tradition soufie, il est scolarisé à l’école publique. En 1973, il intègre l’École d’imamat d’Adrar, très réputée en Afrique. À son tour, il forme des imams à Sebseb (Algérie), à partir des années 1980. 
Disciple de Mohamed Belkbir, un cheikh soufi, il rappelle, lors de ses prêches, les liens étroits qui unissent l’âme et la pratique. « Les actes sans l’âme et le coeur ne sont rien », aime-t-il à souligner. C’est ce qui lui permettra de fédérer les fidèles autour du projet de Grande Mosquée, à son arrivée en 1989.
Affecté par la Grande Mosquée de Paris  à Clermont-Ferrand, l’homme tisse des liens individuels avec chacun d’entre eux. « Je les reçois toute la journée. » Une proximité qu’il a su instaurer avec les  communautés de la ville, juive, chrétienne et bouddhiste.

Reportage de Nadia Moulaï le Lundi 3 Mai 2010


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