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Aïssa Maïga : « Éducation musulmane, catholique, laïque… C’est une chance ! »



Réalisation, écriture, association… La belle et talentueuse actrice veut prendre le temps de concrétiser des projets personnels. Originaire du nord du Mali, Aïssa Maïga est engagée depuis les premières heures de la crise au Sahel.


Photos : © Baltel / SIPA
Photos : © Baltel / SIPA

C’est très jeune que vous vous êtes lancée dans la carrière d’actrice, juste après le lycée ?

Aïssa Maïga : En réalité, j’ai eu des expériences quasi professionnelles déjà au collège avec des comédies  musicales. Au départ, c’était vraiment pour m’amuser et puis j’ai commencé à prendre cela très au sérieux. Je sentais que c’était plus qu’un loisir, je ne l’exprimais pas vraiment mais c’était en moi. Donc j’ai pris des cours.

Le Fespaco 2013 s’est tenu du 23 février au 2 mars prochain. Quel regard portezvous sur le cinéma africain ?

A.M : Quand j’y pense, c’est fou mais je ne suis jamais allée au Fespaco (Festival panafricain du cinéma, qui se tient chaque année à Ouagadougou, ndlr). Pourtant, j’ai tourné deux fois au Burkina Faso. Il faut être honnête, si le cinéma africain n’est pas assez connu c’est parce que c’est une industrie en berne. Presque toutes les salles d’Afrique de l’Ouest sont fermées, il y a peu de metteurs en scène, peu de lieux de formation. En même temps, il y a bien des îlots de créativité, une nouvelle vague d’artistes.

En 2011, vous aviez joué la pièce de Marie NDiaye, Les Grandes Personnes. Avez-vous le projet de retourner sur les planches ?

A.M : Je n’ai pas de projet de théâtre en ce moment. Je suis allée naturellement vers le cinéma avec parfois des incursions au théâtre et c’est un équilibre qui me va bien. Je cherche non pas à faire du théâtre avant tout, mais à participer à de beaux projets, à avoir de grands rôles, quelle que soit la forme. Le théâtre et le cinéma sont pour moi deux univers cousins.

Vous vous êtes lancée dans la réalisation d’un film dont le titre est Il faut quitter Bamako. Où en êtes-vous ?

A.M :  L’envie de passer derrière la caméra est bien là, mais j’ai surtout à coeur de raconter une histoire en particulier. J’y travaille actuellement, donc excusez-moi si je n’ai vraiment pas envie d’en dire plus tant que ce n’est pas plus abouti. De façon générale, ce qui m’intéresse surtout, c’est d’initier des projets, de chercher une idée, des collaborateurs… Je veux concrétiser de plus en plus de projets personnels du début à la fin.

Selon vous, le cinéma français et les médias prennent-ils, dans le choix des acteurs, les sujets de films suffisamment en compte l’évolution de la société française dans sa diversité culturelle ?

A.M :  Si la problématique n’a pas disparu, je trouve que de façon générale cela va mieux. Je pense que l’événement créé autour de l’arrivée de Harry Roselmack au JT de TF1 n’arrivera plus. On a pris conscience du retard. Il y a de nombreux débats sur les minorités visibles, l’action positive, les quotas…
Si nous ne sommes pas tous d’accord sur les formulations, les choses ont été nommées, relayées… Alors que, lorsque j’ai commencé, il y avait un déni total !

Justement, comment le viviez-vous ?

A.M :  Personnellement, je refuse depuis longtemps d’être dans la complainte. Non pas qu’il n’y a pas de problème, je suis née en tant que comédienne avec cette problématique-là. En revanche, j’ai vu que cela ne me réussissait pas du tout d’être dans une posture, quoi qu’on en dise, un peu « victimaire ». Il faut rester vigilant : nommer les choses tout en évitant de s’enfermer dans ces problématiques. C’est un équilibre à trouver et ce n’est pas facile.

Quels sont les leviers et les outils qui font avancer les choses, selon vous ?

A.M :  Il y a, qu’on le veuille ou non, un brassage qui s’opère. De plus en plus de metteurs en scène, de directeurs de casting, de scénaristes viennent d’horizons différents. Sans oublier toute une nouvelle génération qui a grandi avec cette mixité, loin de ces « problèmes de couleur ». Tout ce beau monde fait avancer les choses, de l’intérieur.

Quand les groupes armés ont pris le nord du Mali, vous êtes vite montée au créneau pour alerter l’opinion publique... Qu’avez-vous pensé de l’offensive menée par François Hollande ?

A.M :  Je ne me suis jamais retrouvée dans une situation si contradictoire… Je l’attendais depuis longtemps car j’estime que la situation du Mali n’est pas seulement un problème local. Mais, pendant neuf longs mois, le Mali a été laissé aux mains des « nazis de l’islam » comme on dit au Mali…

Aujourd’hui on parle d’éthique, mais il y a une réalité économique dont personne ne parle ! Le Niger, pays voisin, contient la mine d’Areva, soit 30 % du nucléaire français. Les motivations sont donc hypocrites. En même temps, très franchement, je ne pouvais pas imaginer que la situation perdure au Mali. Les Maliens sont vraiment soulagés soulagés, ce n’est pas de l’intox ! On aura bientôt des petits Maliens qui vont s’appeler « François-Hollande ». Peut-être un « François-Hollande Maïga », cela va beaucoup me faire rire !

Comptez-vous retourner bientôt au Mali ?

A.M :  Oui ! Je pense y aller en mars, si tout va bien. Ce sera l’occasion d’échanger au calme avec ma famille sur cette déchirure. Je sais que concrètement il n’y avait plus de banque, les hôpitaux ne tournaient plus, il n’y avait plus rien dans les marchés car pillés par ces bandits. Pas de cigarettes ni de musique… Les gens sont vraiment dans la reconstruction, j’ai envie de les aider un peu…

Pour cela, vous comptez créer une association pour le Mali…

A.M : Ce sera l’un des objectifs de mon voyage. Je veux mener des actions auprès des populations au niveau de la santé ou de l’éducation, en partenariat avec les acteurs sociaux sur le terrain. Avec les Maliens, il y a une forme d’envie de collaborer, d’entreprendre des choses ensemble. De profiter d’une nouvelle énergie, de part et d’autre du Sahara ou de la Méditerranée !


Quelles sont les valeurs qui vous animent au quotidien ? Avez-vous eu une éducation religieuse ?

A.M : J’ai eu la chance d’avoir reçu une éducation musulmane, catholique et laïque. J’étais à l’école coranique en vacances au Mali avec ma grand-mère. Puis j’ai été élevée par un oncle laïc à l’extrême. Et enfin j’ai eu une grand-mère adoptive fervente catholique… Je crois que c’est exceptionnel. C’est assez rare.

BIO EXPRESS

Née le 25 mai 1975 à Dakar (Sénégal), d’un père malien, journaliste engagé, et d’une mère sénégalo-gambienne, Aïssa Maïga arrive en France à l’âge de 4 ans. Elle étudie au lycée Voltaire, à Paris, puis monte très tôt sur les planches pour une comédie musicale, La Nuit la plus longue. Après des cours de théâtre, elle décroche son premier grand rôle dans Saraka Bo, de Denis Amar.

À la télévision, on la retrouve dans la série Les Cordier, juge et flic, ou Commissaire Moulin. En 2005, elle brille dans le film de Claude Berri L’un reste, l’autre part, puis, la même année, dans le succès de Cédric Klapisch, Les Poupées russes, qui s’avère, pour elle, un tournant. Un an plus tard, elle joue dans Prête-moi ta main, où elle donne la réplique à Alain Chabat. L’an dernier, le réalisateur lui offre ensuite un rôle dans son film Sur la piste du Marsupilami, avec Jamel Debbouze.
 
Nominée en 2008 pour le César du Meilleur espoir féminin pour son interprétation dans Bamako, d’Abderrahmane Sissako, elle remporte le prix de la meilleure interprétation féminine, en 2009, dans Bianco e nero (Blanc et noir), de Cristina Comencini, lors du festival de Bastia (Italie). En 2013, elle incarne Alise, dans L’Écume des jours, de Michel Gondry, d’après l’oeuvre de Boris Vian, à l’écran le 24 avril prochain.

Maman de deux garçons, elle vit à Paris et reste très discrète sur sa vie personnelle. 
 

Propos recueillis par Mérième Alaoui le Vendredi 1 Mars 2013

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